Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/242

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appelaient leurs sœurs. Ainsi les trois vœux de la vie religieuse, obéissance, pauvreté, chasteté, aboutissaient à la confiscation de tous les pouvoirs, de tous les biens et de tous les plaisirs. Une telle doctrine, pressée de se réaliser, voulait plus que des disciples ; elle eut des soldats. Dulcin, à la tête de six mille hommes, s’établit dans les montagnes du Piémont ; de là, il fondait sur les vallées environnantes, livrant aux flammes les églises, les bourgades au pillage, les habitants au fil de l’épée, jusqu’à ce que les peuples indignés se réunissent enfin pour envelopper l’armée des sectaires, l’exterminer dans un dernier combat et envoyer au bûcher les chefs échappés au carnage[1].

Tels furent les combats du socialisme hétérodoxe au treizième siècle, et jamais il ne toucha de si près à l’empire. Peut-être jugera-t-on mieux maintenant cet âge calomnié, où toute hérésie finissait par une faction, toute controverse par une guerre, qui mettait la société dans le droit et dans le devoir de se défendre. Mais nous regretterons toujours que la société n’ait pas usé plus modérément de la victoire, et qu’après avoir vaincu la révolte sur les champs de bataille, elle ait cru étouffer la contradiction dans les supplices. Premièrement, la contradiction ne s’étouffe jamais dans les sociétés que

  1. Muratori, Script. Rer. ital., l. IX, historia Dulcini, id. ibid., additamentum ad hist. Dulcini.