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« faim enfants et femmes.[1] » Le poëme suit don Rodrigue dans ses conquêtes. Nous l’attendons au terme de toutes les choses humaines, au tombeau qu’il s’est choisi non loin du manoir de ses aïeux. À deux lieues au sud-est de Burgos s’élève l’abbaye de Saint-Pierre de Cardeña, la plus ancienne colonie de l’ordre de Saint-Benoît en Espagne : une princesse de la race royale des Goths la fonda en 537 pour y déposer les restes de son fils. C’est aussi une maison glorieuse, et qui a pris sa part de la lutte nationale contre les Sarrasins. En 872, les infidèles la saccagèrent et massacrèrent sous ses cloîtres l’abbé Étienne avec deux cents moines. En 899, Alfonse III releva le monastère ; mais on dit que pendant six cents ans, au jour anniversaire du massacre, le sang des martyrs reparut sur les pierres où il avait été versé. On ajoute qu’il cessa de se montrer en 1492, quand la prise de Grenade eut lavé pour toujours l’injure des chrétiens. Ce lieu fut aimé du Cid. C’est à l’abbé de Cardeña qu’il confia sa Chimène et ses deux filles en partant pour l’exil ; c’est à Saint-Pierre qu’il veut avoir sa sépulture. C’est là que sa veuve et ses amis le ramènent de Valence, embaumé, lacé dans son armure, dressé sur son cheval de guerre. C’est là qu’ils le dépo-

  1. Poema del Cid:

    Nin da consejo padre a fijo, nin fijo a padre ;
    Nin amigo a amigo ; no se pueden consolar
    Mata cuenta es, señores, aver mengua de pan,
    Fijas e mugieres verlos morir de fambre.