Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/356

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est mal dirigée, et l’on devient méchant par calcul[1].

Je parlerai peu de cet amour, de cette sympathie qui, selon la nouvelle doctrine, doit être le sommaire des relations de l’homme avec Dieu et ses semblables chacun sait que cette inspiration céleste a été dérobée au Christianisme, pour animer l’œuvre morte de Saint-Simon. Mais comment aimer un Dieu revêtu de toutes les formes, même de celles de la laideur et de la scélératesse ? un Dieu qui regarde du même œil le bon et le méchant, également insensible aux adorations du sage et aux blasphèmes de l’impie ? Ce n’est

  1. Il est de ces mauvais génies qui prennent plaisir à dégrader l’homme, pour le mettre au rang des brutes. Peu satisfaits d’agir nié l’immortalité, la liberté de l’âme, on a vu des philosophes de cette espèce s’acharner à détruire la conscience, et étendre au loin leurs minutieuses recherches, pour avoir la jouissance de trouver un peuple dénué des notions de justice et d’équité, pour en conclure que la morale n’est qu’un vieux préjuge qui n’a point ses bases dans la nature. Mais vainement allèguent-ils la différence des lois et des usages : la forme des grandes idées morales peut varier, elles demeurent immuables ; la différence des temps et des circonstances peut changer l’application des principes, mais les principes ne changent point. Chez tous les peuples, même les plus sauvages, existent l’horreur pour le crime et l’admiration pour la vertu; les hordes les plus barbares ont des châtiments pour les traîtres et des récompenses pour les héros ; dans toutes les langues enfin existent les dénominations de Bien et de Mal, et l’existence du mot démontre celle de l’idée. « Car, selon l’expression d’un grand homme, la vérité n’appartient point à une seule nation, à une seule langue : elle réside dans le sanctuaire de la conscience ; et la conscience est partout» . Intus in domicilio cogitationis, nec hebraea, nec graeca, nec latina, nec barbara veritas, sine oris et linguae organis, sine strepitu syllabarum. (S. Augustinus, Confess., lib. II, Cap. III .)