Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/508

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pour un évêque une torture plus cruelle que la mort, et cette torture, c’est de lui montrer des pauvres qu’il ne puisse secourir ; c’est de l’environner de plaintes déchirantes qu’il ne puisse consoler ! Mais la charité accepta le défi ; Thomas recueillit ces malheureux, partagea avec quelques-uns le pain de l’exil, adressa les autres aux nombreux admirateurs que sa réputation lui avait faits. Aucun ne manqua d’assistance, et plusieurs trouvèrent sur la terre étrangère une aisance qu’ils n’avaient point connue dans leurs foyers.

Quand les gémissements eurent cessé de se faire entendre dans la solitude de Pontigny, Henri sut encore en troubler le repos. Il fit savoir aux religieux de Cîteaux qu’il supprimerait tous les couvents de l’ordre en Angleterre, si Thomas restait plus longtemps dans leur abbaye. Ils eurent la faiblesse de faire part de cette menace à leur illustre commensal ; et lui, se retirant aussitôt, alla demeurer dans la ville de Sens, que Louis VII lui assigna pour séjour. Mais les respects et les bontés dont le roi de France entourait l’archevêque étaient pour Henri comme un reproche public. Il jura d’y mettre un terme, et concerta une ruse où la générosité de Louis VII ne pouvait manquer d’être surprise. Il le pria de se faire médiateur entre l’archevêque et lui, et les convia tous deux à une entrevue dont le lieu fut fixé sur les confins de la Normandie. Au jour convenu, en présence des deux cours réunies,