Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/523

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Mais peut-être dans cet énergique langage se mêle-t-il quelques accents d’orgueil ; peut-être dans la solitude cette austère vertu a-t-elle pris quelque chose de farouche à force de respirer l’air des cloîtres, elle s’est endurcie ; et si elle est inébranlable comme le rocher, c’est qu’elle est âpre et froide comme lui ?–Pourtant pénétrez dans l’humble demeure d’où sortent ces lettres foudroyantes, destinées à troubler le sommeil des grands ; soyez admis à la familiarité de cet homme fort, et voyez. C’est bien le même qui a passé vingt ans de sa vie dans les palais en répudiant son ancienne opulence, il ne s’est point dépouillé de l’élégance de ses mœurs. Sous cette laine grossière, on retrouve celui qui a porté la soie et l’hermine. Plus d’une fois la grâce exquise de ses manières l’a trahi quand il voulait rester inconnu. On dit qu’au temps où déguisé il traversait la Flandre, comme il prenait son repas chez de simples paysans, la délicatesse de ses habitudes, les des préjugés sociaux de son siècle, et son dévouement à la cause de l’église romaine n’était rien moins que servile et passionné. D’un autre côté, l’Église ne porte point la responsabilité des fautes que peuvent commettre quelques-uns de ses ministres elle les pleure, mais n’a pas à en rougir. Il n’y a même peut-être point de spectacle plus rassurant pour ses destinées futures que celui de ses épreuves passées. Quelle merveille que l’Évangile ait été livré entre des mains rapaces sans qu’il en ait été déchiré une page ! que la parole divine ne se soit point altérée en se transmettant par des bouches impures ! que tant de séductions n’aient jamais pu faire rendre un oracle menteur, et que l’autel, miné dans ses fondements, soit resté debout soutenu par une invisible main !