Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/539

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plus aimé et celui qui a aimé jusqu’à mourir est appelé martyr et se couronne d’une triple gloire ; car, dans le martyre, il y a trois choses. Premièrement, un acte d’indépendance morale : l’âme, abandonnant sa chair, comme autrefois Joseph, le pieux esclave de Putiphar, abandonna son manteau, échappe la violence qu’on méditait contre elle. Secondement, un acte de charité : le martyre est un témoignage qu’un homme rend, non point à sa propre doctrine, mais à celle de ses frères croyants comme lui, et par lequel il rassure en eux ce qu’il y a de plus précieux et de plus fragile, la foi : rien ne rassure la foi comme le témoignage d’un homme de bien, et rien ne donne plus de valeur à cette affirmation que le sceau de la mort. Enfin, et par dessus tout, un sacrifice, un sacrifice offert à Dieu, qui en retour donne la victoire et la paix : il faut que la croix soit ensanglantée sur le Calvaire avant de régner au Capitole[1]. Voilà comment Thomas fut justifié à l’heure où il tomba massacré au pied des autels. La veille il était grand sur la terre, mais d’une grandeur périssable qu’un faux pas pouvait renverser maintenant il dominait la terre de toute la hauteur des cieux, il était placé hors

  1. Cette doctrine est celle de S. Jean Chrysostome : Θάνατος μαρτύρων, νίϰη μαρτύρων. Μαρτύρων γὰρ θάνατος πιστῶν ἐστι παραϰάλησις, ἐϰϰλησιῶν παῤῥησία, χριστιανισμοῦ σύστασις θανάτου ϰατάλυσις, ἀναστάσεως ἀπόδειξις, διαϐόλου ϰατηγορία, φιλοσοφίας διδασϰαλία, πάντων τῶν ἀγαθῶν ῥίζα, ϰαὶ πηγὴ ϰαὶ μήτερ. (Homélie sur les martyrs.)