Dans un lieu moins riche en merveilles, on s’arrêterait aux stalles des moines, et au dais qui surmonte le siège du prieur. Mais je n’ai plus de regards que pour le monument qui s’élève au milieu du chœur devant l’autel. Les deux statues de Juan II et d’Isabelle de Portugal y sont couchées sur un soubassement octogone. Les têtes sont belles, les attitudes nobles et calmes, les costumes magnifiques. Le roi paraît bien tel que les contemporains l’ont représenté : « Grand de taille et beau de corps, d’un aspect tout royal, les jambes, les mains et les pieds parfaitement faits ; d’ailleurs, franc et gracieux, dévot et vaillant, grand clerc et très attrayant de sa personne. » Mais, à bien considérer la douceur un peu molle de ses traits, on retrouve aussi le prince timide, devenu le jouet des partis ; les factions de son règne semblent rappelées par les deux lions qui se battent à ses pieds. La reine repose auprès du roi, mais elle se penche un peu du côté opposé, comme par un mouvement de pudeur. Ses yeux se baissent sur un livre qu’elle a dans les mains : elle y cherche l’oubli des pompes et des inquiétudes royales. A ses pieds, un lion, un chien et un enfant, jouent ensemble, comme pour opposer au souvenir des discordes civiles une image de paix domestique. Autour de ces deux souverains abattus par la mort, les quatre évangélistes sont assis sur des trônes que le temps ne renverse pas. L’artiste leur a donné des airs de tête d’une