Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/74

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vieille cité et ne parurent plus à Miraflores qu’en passant. Mais les moines restaient, gardiens des sépultures et de l’hospitalité. La Chartreuse était le grenier d’abondance de l’indigent, la ressource des années de famine. Outre les secours dus aux grandes calamités publiques, les religieux donnaient tous les jours le dîner à quinze pauvres, pris sur une liste de vingt hommes honorables et de trente-deux étudiants qui devaient prouver leur besoin, leur application et leur bonne conduite. Mais les Chartreux eux-mêmes, ces derniers mandataires des rois, ont disparu à leur tour. Les plus jeunes ont gagné les solitudes glacées des Alpes, d’où descendit la règle de saint Bruno. Trois vieillards sécularisés restent seuls sous les cloîtres vides. Le chant des psaumes, qui depuis trois cents ans ne se taisait ni le jour ni la nuit, a cessé autour des tombeaux. La Chartreuse ne serait plus qu’un beau corps sans âme, si chaque jour encore Dieu n’y descendait sur l’autel pour le repos des morts qui l’ont bâtie, et pour le pardon des vivants qui l’ont profanée.

Au moment de quitter la ville des rois, j’oubliais de me donner le spectacle royal d’un combat de taureaux. Cependant je connais trop bien mes devoirs pour omettre cet épisode obligé d’un voyage en Espagne. La plaza mayor de Burgos, avec ses portiques et les rangs égaux de ses fenêtres, se transforme chaque année en amphithéâtre. Mal--