Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/67

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ment, qu’il est ou qu’il peut être plusieurs et beaucoup de tout cela, au même titre et ni plus ni moins que tant de théismes et tant de déismes, tant de monothéismes et tant de polythéismes, et de mythologies, et de panthéismes, qu’il est une mythologie, lui aussi, comme les autres, et, comme les autres, un langage, et que tant qu’à faire et puisqu’il en faut, il y en a eu de plus intelligents.

Pareillement de la croyance à la vie éternelle. Croire à une vie future, de justice réparatoire ou de béatitude, ou de toute autre indication, c’est faire une opération métaphysique, religieuse. Croire à plusieurs vies ultérieures, comme tant d’humanités y ont cru, et aussi à plusieurs vies antérieures, ce qui en est le complément naturel, et ce qui en fait comme l’équilibre attendu, croire à une indéfinité d’autres vies, antérieures et ultérieures, c’est faire une autre, c’est faire d’innombrables autres opérations métaphysiques, religieuses. Mais croire au contraire que cette mort temporelle a une valeur absolue, essentielle, totale, métaphysique, religieuse, parfaitement annulante, c’est faire encore une autre, encore une multitude d’autres opérations métaphysiques, religieuses.

Infiniment plus inintelligibles, plus inconcevables, plus impossibles encore à se représenter même. Hypothèses infirmes, comme toutes les autres, parce qu’elles sont, comme toutes les autres, de pauvres opérations humaines. Hypothèses encore infiniment plus infirmes.

Faut-il donc rappeler que la métaphysique et la philosophie et que la religion intellectuelle et que la superstition du parti intellectuel moderne est une métaphysique, une religion, une superstition de plus, comme