Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/69

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sectateurs de cette basse et grossière métaphysique du parti intellectuel moderne, inintelligente, eussent été dénoncés, méprisés comme barbares, comme n’ayant non seulement aucun sens de la beauté, mais comme n’ayant pas même, au fond, le sens de la nature, non pas seulement dans les écoles d’Athènes, comme n’ayant pas même une idée des questions qui se posent, et s’ébrouant dans des questions qui ne se posent pas, mais avant le commencement de la grandeur d’Athènes dans toutes les cités colonies des côtes ioniennes, et à l’autre bout du monde, de ce monde grec, dans toutes les cités colonies des côtes de la Grande-Grèce, des côtes siciliennes et déjà des côtes italiennes. Je ne parle pas des anciens Juifs, qui eussent commencé, comme entrée en matière, par les passer au fil de l’épée, comme impurs, et désagréables au Seigneur. Car on ne saura jamais à quel point ce vieil Israël était un peuple militaire. Mais là n’est point le débat.

Les intellectuels modernes, le parti intellectuel moderne a infiniment le droit d’avoir une métaphysique, une philosophie, une religion, une superstition tout aussi grossière et aussi bête qu’il est nécessaire pour leur faire plaisir, j’entends sinon le droit civique, du moins le droit social, politique, enfin le droit légal. Cela ne nous regarde pas, j’entends sinon comme citoyens, du moins comme contribuables, comme électeurs. Étant mis de côté préalablement, et par définition, à quel point cela nous regarde comme hommes, comme philosophes, et comme métaphysiciens nous-mêmes. Mais ce qui est en cause et ce dont il s’agit, ce qui est le débat, c’est de savoir si l’État, moderne, a le droit et si c’est son métier, son devoir, sa fonction, son