— de côté par an, c’était une affaire de sept à huit ans ; après on serait chez soi au moins ; Delphine n’irait plus en journée, les enfants seraient élevés largement, et lui n’aurait plus à supporter des patrons comme ce Frédéric qui commençait à l’agacer beaucoup. Et, plus tard, quand les fils seraient en force, on pourrait peut-être affermer une terre plus grande, qui sait ?
Il disait : mes champs, mes bêtes, mes fils ; Delphine l’arrêta :
— Tes fils, tes fils ! Tu ne te gênes pas ! Laisse donc venir François, d’abord !
Mais il parla encore. Ces choses tant de fois pensées et repensées durant les longues journées de travail silencieux, il s’enivrait à les dire ; des mots, jusqu’à ce jour endormis au fond de lui, montaient en foule à ses lèvres. Trop ému pour songer à être modeste, il disait sa vaillance et sa tendresse infinie.
L’ombre courte du pommier ayant tourné, pour ne pas se trouver au soleil, il s’était penché davantage vers Delphine.
Il vint à parler de son enfance épouvantable.
— Tu n’as pas connu cela, toi, dit-il ; aussi tu es toujours plus gaie : la misère a attendu que tu sois grande.
— Je n’ai pas de misère, répondit-elle ; je ne serai jamais malheureuse avec toi, mon homme.
Il la remercia des yeux.
— Oh ! quand tu étais chez Pitaude, tu aurais encore pu trouver un gars riche, ma Fine, tu aurais eu de grandes chambres et des bêtes, et des servantes ;