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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/99

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veux ! devrais-je m’en aller nourrice dans les villes, pour gagner de l’argent.

Séverin tourna la tête.

— Nourrice dans les villes, toi ! jamais je ne verrai ça ; j’aimerais mieux être mort. Elle se mit à rire :

— Ne te fâche pas, mon homme, je dis cela pour badiner.

Puis, sérieuse :

— M’en aller ! jamais, va ! quand même on m’offrirait gros d’or comme l’église ; j’aimerais mieux manger mon pain sec, ici, toute ma vie ! Seulement, pourquoi me décourages-tu ? Tu sais aussi bien que moi que pas mal de bordiers sortent des creux-de-maisons ; ne vois-tu pas les Gaillard des Pernières, les Léchevin de Malitrou, les Sénot, les Duroc, d’autres que j’oublie ? Alors, pourquoi pas nous ? Cela ne te plairait donc pas de travailler pour ton compte ?

Il se rapprocha, gagné à la fin par cette belle confiance.

— Oh ! si ! cela me plairait ! Si je semais pour toi, pour nos enfants, comme je serais heureux ! comme je faucherais de bon cœur si tu étais derrière à faner ! comme je tiendrais ferme la charrue, si mon gars touchait les bêtes ! comme je travaillerais, comme je travaillerais !…

Il levait ses mains courageuses.

À son tour, il évoqua l’impossible avenir ; s’ils avaient seulement mille francs, si Auguste pouvait leur venir un peu en aide, ils risqueraient l’aventure. En mettant cent francs — non, cent cinquante francs