Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/138

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Sa voix tremble ; elle s’arrête.

Georgette, sur les genoux de Séverin, crie parce que sa sœur veut la faire descendre. Louise est jalouse ; elle aime étrangement son père ; le dimanche, elle ne le quitte pas, elle le veut pour elle seule, et cela amène souvent des fâcheries avec les bessons. Le père, en retour, adore son aînée. Elle lui ressemble ; elle a des yeux transparents comme ceux de Delphine, mais plus grands et beaucoup plus sombres avec une lueur sérieuse qui n’est pas commune dans les yeux d’enfants, la lueur mélancolique que Séverin se souvient avoir vue dans les yeux de la pauvre Pâturelle morte de la toux au temps de la guerre.

Ce soir, pour avoir la paix, il prend les deux petites à la fois sur ses genoux. Louise se blottit contre sa poitrine. Delphine pleure maintenant, et ses paroles arrivent comme des plaintes.

— Que faire ? Où prendre l’argent à la Toussaint ? Vingt francs de loyer en retard, une corde de bois brûlée et pas payée ; le boulanger qui ne veut plus faire crédit… le bois… le pain… la sage-femme… Mon Dieu ! mon Dieu ! Il faudra se passer de feu, ou bien ne pas manger.

Elle hésite à suivre sa pensée ; sa voix se fait plus basse.

— Louise prendra le bissac ; puisqu’il faudra bien en arriver là… un peu plus tôt ou un peu plus tard… Mes enfants vont chercher du pain… chercher du pain… chercher du pain !…

Elle se penche étranglée de sanglots.

Séverin a frissonné ; il serre la petite contre lui.