des écoles, ils n’étaient point rares, les petits des creux-de-maisons, les enfants pouilleux et crasseux aux caboches dures, roussies de soleil. Et ces petits pauvres avaient des paniers peu garnis : un morceau de pain bis, quelques châtaignes, des noix, une crotte de fromage… D’être mis au pain sec cela les faisait bien rire. Ils étaient mal vêtus aussi. Ils emportaient, pour la forme, une vieille paire de sabots de bois, car l’inspecteur à chacun de ses passages faisait des remontrances à ceux qui étaient pieds nus. Mais au village, dans la cour, sur les chemins, les chaussures incommodes étaient abandonnées. Parfois, ils se ferraient en courant mais cela ne les retardait guère ; il n’y avait de mauvais que les vieux clous à pointe recourbée qui abondaient dans la cour de l’école ; pour ceux-là, il fallait agrandir le trou avec un couteau et le sang venait beaucoup.
Louise et ses frères allaient pieds nus, comme les plus malheureux ; au village, Georgette, dès qu’elle fut guérie, trotta aussi sans semelles ni cordons ; enfin Delphine elle-même commença, cette année-là, à ne plus porter de bas durant la belle saison ; elle n’en avait pas beaucoup de convenables et le coton lui manquait pour les raccommoder ; comme elle avait les pieds tendres, ses sabots la blessèrent d’abord, mais elle s’y fit et chez les Pâtureau il n’y eut plus que la petite Marthe qui n’allât pas pieds nus.
Vers la fin de l’été, les choses s’améliorèrent un peu ; Delphine put travailler chez elle à de menus ouvrages ; elle tricota et fila ; puis elle alla en journée dès que Marthe eut commencé à marcher seule.