Louise, pendant ce temps-là, manquait la classe pour garder sa petite sœur.
Elle manquait encore la classe pour une autre raison. Il y avait, de temps en temps, à Coutigny, des données de pain ; Louise allait à ces données. Souvent aussi elle allait faire une petite tournée dans les fermes voisines ; elle ne mendiait pas encore tout à fait, elle avait ses maisons choisies. Les Chauvin, les Pitaud, les autres des Grandes-Pelleteries la voyaient arriver les jours de grande cuisine ; ils lui donnaient des couennes, un bout d’oreille de cochon, une patte, un petit pot de fressure ou même une tranche de lard frais. Quelquefois, le lendemain des batteries, elle rapportait des restes bien gras, des haricots noirs de beurre, des moules à la sauce, des demi-assiettées de millet au lait. Ces jours-la toute la famille vivait dans l’abondance : on ne ménageait pas le fricot, ces bonnes choses ne se conservant pas. Puis, on revenait aux haricots sans beurre et aux bouillies sans lait.
Les enfants avaient un peu glané au temps des moissons ; en automne ils coururent les champs pour trouver, dans les haies, des châtaignes oubliées. Les deux petites allaient ensemble et le plus souvent revenaient les poches à peu près vides ; les bessons, au contraire, ne se dérangeaient jamais pour rien ; ils rentraient joyeux et lourds, à cause des goussets trop pleins raidissant leurs petites jambes ; fiers de leur chance, ils se moquaient de Louise et de Georgette en jetant sur la table les châtaignes luisantes, les belles égrenelles noires à cul blanc.