la barrière, regarda, et, ayant vu, s’arrêta net : les bessons écorchaient un lapin ! Ils l’avaient assommé tant bien que mal avec une pierre ; la pauvre bête tressaillait encore. Antonin lui tenait les pattes hautes et Constant, ayant coupé la peau des cuisses avec une vieille serpette, tirait, se cramponnait aux poils en jurant comme l’oncle Auguste.
— Bon Dié de sacré bon Dié de fi de garce ! viendras-tu ?
À côté, les mains au dos, Louis VI, qui avait prêté la serpette, regardait en reniflant. Ce fut lui qui aperçut le premier Delphine ; sans mot dire, il décampa. Les deux autres, au contraire, attendirent de pied ferme, en balançant leur lapin ; ils étaient si fiers de leur coup que Delphine n’eut pas le courage de les battre bien fort. Et le soir, on mangea une bonne fricassée chez les Pâtureau ; le père lui-même, à son retour du Pâtis, dut y goûter.
Quelques jours après cette mémorable cuisine, Biquette mit au monde deux petits chevreaux. On les vendit au bout d’une quinzaine pour avoir du lait tout de suite. Georgette et Louise pleurèrent beaucoup. Pour les consoler tout à fait il ne fallut rien moins que l’apparition sur la table du premier fromage mou. Cet événement se produisit le jour de l’Ascension — hasard heureux, car l’Ascension étant la fête du laitage, Chauvine avait justement envoyé une bolée de crème.
Au repas du matin, après la soupe, Delphine ayant brassé crème et fromage, coupa à chacun des petits une longue tartine. Ce fut un grand régal. Séverin,