Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/185

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Le vertige, pourtant, ne dura pas. Bravement Delphine s’efforça de n’y plus penser. Elle en avait vu bien d’autres durant cette grossesse ! Elle n’avait pas passé une seule journée sans ressentir quelque malaise, mais elle avait tout accepté sans se plaindre, gaiement presque, à cause de l’idée nouvelle qui lui trottait en tête : partir pour les Charentes ! S’en aller loin des creux-de-maisons, loin de la misère ! Un courage nouveau la redressait. Un petit allait venir ; elle disait : tant mieux, cela fera deux bras de plus. En attendant, ce n’était pas le moment de se dorloter ; ce petit serait une charge nouvelle ; il fallait profiter des derniers jours. D’ailleurs, les Chauvin étaient des gens qu’il faisait bon obliger.

Le grand jour était venu ; un peu de brume se traînait encore sur le guéret, dans les jardins, mais le soleil montait. Vivement Delphine fit lever ses aînés et s’occupa d’habiller Marthe. Puis, la soupe mangée et la chèvre traite, comme c’était jour d’école, elle prépara le panier des enfants, les mit tous dehors et, sortant à son tour, ferma la porte. Il était à peine six heures. Georgette et Louise emmenèrent leur chèvre sur la route et les bessons se mirent à couper de l’herbe dans le jardin.

Delphine, restée seule avec Marthe, prit la petite par la main et s’en alla au Pâtis. Elle arriva à l’heure du premier repas. Séverin, en la voyant rentrer pâle et hors d’haleine, ne put s’empêcher de montrer sa mauvaise humeur : c’était folie toute pure, ce qu’elle faisait là ! Chauvine, elle-même, trouva que Delphine se fatiguait réellement trop ; elle lui fit chauffer une tasse de café.