Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/184

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pauvre petite n’a pas déjà si souvent l’occasion de faire un bon repas !

Séverin essaya encore de raisonner, mais elle se recoucha, muette, décidée à n’en faire qu’à sa tête. Alors il l’embrassa et sortit en toute hâte.

La porte refermée, la chambre redevint noire. Les enfants, ainsi qu’il arrivait chaque matin, s’étaient réveillés à demi au départ de leur père. Louise se plaignit : Antonin venait de lui allonger un coup de pied. Ils commençaient à être grands et leurs jambes se rejoignaient au milieu du lit ; cela causait de fréquentes disputes. Quand Louise se tut, ce fut le tour de Georgette : le même Antonin lui ayant égratigné un pied avec l’ongle de son gros orteil, elle cria. Le drôle, menacé, fit semblant de ronfler pendant que Constant rigolait à l’étouffée. Furieuse, la petite se mit à pleurer très sérieusement et sa mère dut l’inviter à venir se blottir à côté d’elle, dans l’autre lit. Cette faveur l’ayant consolée, toute la maisonnée dormit encore un petit bout de temps.

Quand il fit assez clair pour qu’on pût s’habiller sans chandelle, Delphine se leva, alluma un petit feu et se mit à préparer la soupe.

Elle avait menti à Séverin en disant qu’elle était tout à fait bien ; elle se trouvait encore très lasse. Étant sortie pour donner de l’herbe aux lapins, elle fut saisie en revenant par la chaleur moite et la mauvaise odeur de la chambre ; pour ne pas tomber, elle dut s’accoter à la table. Décidément, son homme avait raison : il valait mieux rester chez soi maintenant.