entre des sillons où ils disparurent tout de suite, car les choux y étaient magnifiques, hauts presque comme des hommes.
De grosses gouttes glacées roulaient encore sur les feuilles ; à leur troisième aissellée, les deux valets étaient trempés. Ils allaient vivement à cause du froid ; la tache jaune et sautillante de leur dos apparaissait seule entre les feuilles remuées. De temps en temps Fourchette se redressait, pâle, les dents chantantes, posait son aissellée sur la riorte et, pendant une minute, sautait en l’air en agitant ses bras comme un coq qui bat des ailes.
— Pâtureau ! faisait-il, j’en crève ! Je ne sais plus où sont mes doigts !
Mais Séverin, grelottant lui-même, allait grand train sans parler ; quand il fut au bout de son rang il répondit au garçon qui se plaignait de plus belle :
— Eh bien ! quoi ! en voilà des manières ! Es-tu un homme, nom de d’là ? Tape plus fort, tu te réchaufferas.
Puis il ajouta plus doucement :
— Voilà le soleil qui monte, ça nous fera du bien… hardi, mon pauvre Fourchette ; encore un petit coup de collier !
Le soleil montait en effet, mais il pâlissait en même temps ; ce n’était plus qu’un œil morne participant à la tristesse des champs ; il se cachait derrière un rideau de brumes mouvantes ; et vers la haute galerne, derrière les effeuilleurs, la ouate assombrie de l’horizon venait en s’élargissant comme était