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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/254

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idées comme il en avait étant enfant. Il se disait :

— Peut-être tout de même qu’elles me voient.

Il y avait dans le fossé, devant lui, des fleurs pâles qui s’ouvraient comme les yeux limpides de sa défunte et d’autres plus sombres, violettes, presque noires qui étaient toutes pareilles aux yeux de son enfant.

Et quand il levait la tête, il lui semblait distinguer des formes humaines aux franges des nuages, des formes blanches gonflées de lumière qui s’étiraient et se perdaient comme les images fugitives des rêves.

À Coutigny, les cloches recommencèrent à sonner. Leur voix joyeuse passa encore sur les cimes émues. La terre était à son heure de grande beauté. Les peupliers chantaient. Leur chanson était un peu monotone, mais très douce et pour ainsi dire féminine. C’était une chanson bien différente de celle des chênes et plus différente encore de celle des châtaigniers à travers lesquels corne et siffle la musique du diable.

C’était aussi une chanson séculaire, car les anciens du pays avaient toujours vu des peupliers dans ce bas-fond. Ils étaient très serrés les uns contre les autres ; quand le vent les prenait de face ils ployaient tous à la fois, ils tremblaient, ils arrolaient de la tête au pied.

C’est à cause de cela que l’endroit s’appelait les Arrolettes.

FIN