un garçon pour que tu aies de l’aide plus tard, quand nous prendrons une terre.
Cette idée de quitter les creux-de-maisons ne l’abandonnait jamais, l’ancienne petite meunière. D’habitude, Séverin ne voulait pas avouer que c’était là son rêve, à lui aussi ; il se moquait d’elle. Valet il était né, valet il resterait ; valet son père, valet lui-même, valets ses enfants : tout le reste était chimère. Cette fois encore il résista :
— Prendre une terre, ma pauvre petite ! et avec quoi ? avec ce qui nous restera à la Toussaint quand nous aurons tout payé ?
— Qui te dit, reprit-elle, que nous n’aurons pas de chance ? Ce serait bien notre tour tout de même, d’être heureux !
Elle avait l’espoir tenace et revenait toujours à cette chance qu’ils ne sauraient manquer d’avoir. Séverin souriait avec un peu d’amertume.
— De la chance, de la chance ! fit-il ; ce n’est pas pour les pauvres gens, cette marchandise-là ; toute la chance que nous pouvons avoir, c’est de ne pas être trop souvent malades, de n’avoir pas trop d’enfants, de gagner trente-cinq pistoles par an et de n’avoir jamais à demander notre pain.
— Bah ! s’il nous manque de l’argent, Auguste nous en prêtera.
— Laisse-le d’abord élever sa famille ; s’il se tire d’affaire, lui aussi, ce doit être bien juste.
— On s’arrangera, conclut-elle avec netteté ; je veux changer de maison, là ! et plus tard, je veux être dans une terre, une terre aussi petite que tu voudras ; je le