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LES GARDIENNES

— Non ! dit-elle ; je veux que les bêtes soient à l’étable en dix minutes.

Comme le garçon ne bougeait pas, elle se pencha vers lui :

— N’as-tu pas entendu ? Faudra-t-il que je répète mon commandement ?

Christophe sortit, sifflotant insolemment. Antoine commença de raisonner.

— On nous dit : menez les bêtes passer la nuit au pré Buffier… puis on nous dit ensuite : allez les chercher et ramenez-les à l’étable… Je ne sais plus qui commande, ici !

— Pour le moment, c’est moi ! répondit la Misangère froidement. Toi, Antoine, tu es le valet ; écoute mes ordres et que tes paroles ne volent point devant les miennes… Demain matin, tu prépareras une faux pour toi et une pour Christophe : il y a, dans la grange des manches et des ferrements… Puis, vous irez faucher tous les deux en attendant que la machine soit réparée… À neuf heures, j’irai voir votre travail.

L’homme, déconcerté, avait baissé la tête. La Grande Hortense lui en imposait et, en sa présence, il n’osait pas montrer sa mauvaise arrogance. Il essaya pourtant de discuter.

— Faucher ! vous parlez de faucher ! miïs je ne suis pas gagé pour ça ! Dans notre marché…

Elle l’interrompit de la voix et du geste.

— Tu faucheras… ou bien tu t’en iras !

Elle parlait avec une netteté implacable. Le valet murmura encore :