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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/55

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LES GARDIENNES

ordres, attirèrent son attention. Se glissant entre eux, il les examina longuement, leur empoigna le mufle pour voir la dentition. Les bovillons, nerveux, sautaient de côté et résistaient ; il les corrigea. À sa voix toutes les bêtes dressèrent la tête.

Dans la grange aux outils, il eut la joie de constater que tout était en ordre. Le tombereau manquait et aussi les paniers : il en conclut que Solange et les valets devaient être à l’arrachage des pommes de terre dans le champ des Crépelles. Cependant, il n’alla point tout de suite dans cette direction ; sans se presser, les mains au dos, siflotant un air qu’il avait appris des fifres boches, il visita le jardin, puis les prés, remonta enfin vers la plaine où il passa partout comme il faisait, au temps de paix, par les beaux après-midi du dimanche.

Aux Crépelles, il avait déjà perdu son allure de soldat et il marchait à longues enjambées en se dandinant. Solange, assise à l’ombre, à l’orée du champ, coupait une tartine pour son enfant ; elle se leva en poussant un eri. Clovis vint vers elle et l’embrassa sur les joues, trois fois, comme il est convenable de faire. Après quoi, montrant les pommes de terre arrachées, il demanda :

— Ça rend ?

— Il ne faut pas se plaindre ! répondit Solange.

Il avait repoussé son képi sur sa nuque ; comme il était content, il bourra sa pipe.

Puis il prit l’enfant dans ses bras et lui offrit sa cxoix de guerre pour jouer. Le petit gigotait, effrayé