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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

La civilisation avait sombré. À part quelques rares avions, quelques installations privées de cinétéléphonie, tout était à peu près disparu de ce qui avait fait la puissance et l’orgueil de la société moderne. Au surplus, le monde était dépeuplé. Cent millions d’hommes, peut-être, demeuraient en apparence indemnes. En nombre deux ou trois fois plus grand, les victimes des derniers féeriques achevaient atrocement leur vie. De vastes régions étaient jonchées de paralytiques gémissants qui mouraient de faim et de soif ; en d’autres lieux, on ne trouvait plus guère que des aveugles. Des hallucinés, des fous, des monstres qui n’avaient même plus figure humaine erraient à l’aventure. Aucun des groupes sociaux n’avait subsisté. La famille n’existait plus que rarement. L’individu assurait sa subsistance au jour le jour et vivait en état de perpétuelle alerte.

Les infirmes et les grands déséquilibrés disparurent vite. Un mois après la destruction des centrales, la tranquillité régnait sur la terre dévastée. Les survivants ébauchaient d’humbles entreprises, organisaient silencieusement leur nouvelle existence. La vie était rustique, prudente, économe.

Mais cette léthargie ne devait pas durer. Une sourde inquiétude gagnait les plus clairvoyants. Certains médecins se rappelaient à présent l’étrange série d’avortements, causés, sans nul doute, par l’invasion féerique. Chacun, dans son rayon d’observation, pouvait constater qu’il ne naissait aucun enfant, qu’il n’y avait aucune promesse, aucune probabilité pour l’avenir.

Le malaise grandit très vite. Les dernières installations cinétéléphoniques furent fiévreusement utilisées, les derniers avions prirent l’air pour des voyages de recherches. Et l’on acquit bientôt cette