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UNE GENÊSE

certitude angoissante que le mal s’étendait à la terre entière. Cependant on voulut croire encore qu’il s’agissait d’une affliction temporaire et guérissable. Des médecins, des biologistes qui avaient, par miracle, sauvé une partie de leur outillage scientifique, procédèrent sur eux-mêmes et sur leurs proches à un examen minutieux des éléments sexuels. Partout le résultat fut identique : tous les sujets, hommes, femmes, enfants des deux sexes, semblaient irrémédiablement stériles ! Les savants ne purent tenir longtemps secrète la terrible nouvelle. L’angoisse gagna leur entourage ; des étrangers même accouraient à eux et demandaient impérieusement à subir l’examen.

Et, bientôt, par le cinétéléphone et les avions, mais aussi par on ne sait quelle intuition mystérieuse, chacun fut prévenu. La vérité éclata sur le monde comme une épidémie : l’espèce était condamnée à mourir !…

L’énormité de la sentence écrasa les hommes.

Certes, on venait de traverser une période d’immenses malheurs, on avait subi des souffrances effroyables ; tout cela demeurait néanmoins admissible, car ce qui avait été mis en question, ce n’était que la disparition plus ou moins rapide des individus. Mais, cette fois, la source de vie était tarie d’un seul coup ! Catastrophe pour laquelle toute habitude manquait ; catastrophe unique et qui dépassait l’entendement. Aussi l’effondrement fut-il complet. La mort d’innombrables individus n’avait fait que désagréger les groupements sociaux ; la seule annonce de la disparition probable de l’espèce disloqua immédiatement les âmes.

L’esprit d’entreprise s’éteignit aussitôt. Les humbles travaux commencés furent abandonnés.