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S. Augustin. Parce que quiconque désire se délivrer de sa misère, pourvu qu’il le désire sincèrement et absolument, ne peut être frustré dans son attente.

Pétrarque. Oh ! qu’entends-je ? Il y a fort peu de gens qui ne sentent qu’il leur manque beaucoup de choses, et qui ne confessent qu’en cela ils sont malheureux. C’est une vérité que chacun reconnaîtra en s’interrogeant soi-même. Par une conséquence naturelle, si la plénitude des biens rend heureux, tout ce qui s’en manque doit rendre proportionnellement malheureux. Ce fardeau de misère, on sait très bien que tous ont voulu le déposer, mais que très peu l’ont pu. Combien y en a-t-il que la mauvaise santé, la mort de personnes chères, la prison, l’exil, la pauvreté, accablent de chagrins perpétuels, sans parler d’autres infortunes dont l’énumération serait trop longue, qu’il est difficile et cruel de supporter ? Et cependant ceux qui en souffrent ont beau se plaindre, il ne leur est pas permis, comme vous le voyez, de s’en affranchir. Il est donc indubitable, à mon avis, qu’une foule de gens sont malheureux forcément et malgré eux.

S. Augustin. Il faut que je te ramène bien loin en arrière, et, comme cela se pratique pour les jouvenceaux légers et tardifs, que je fasse souvent remonter le fil de mon discours aux premiers éléments. Je te croyais un esprit plus avancé, et je ne supposais pas que tu eusses encore besoin de leçons si enfantines. Ah ! si tu avais gardé la mé-