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tions de cette vie mortelle et pour s’élever plus haut, la méditation de la mort et de la misère humaine constitue, pour ainsi dire, le premier degré, et que le second consiste dans le vif désir et la volonté de s’élever. Ces deux degrés franchis, je te promettais une ascension facile vers le but où nous tendons, à moins que tu ne penses maintenant le contraire.

Pétrarque. Je n’ose dire que je pense le contraire, car, dès mon adolescence, j’ai grandi dans cette opinion que, si mon jugement différait du vôtre, j’étais dans l’erreur.

S. Augustin. Trêve de compliments, je te prie ; et, puisque je vois que tu adoptes mes idées moins par conviction que par déférence, je te permets de dire tout ce que tu voudras.

Pétrarque. Je suis encore craintif, mais je veux user de votre permission. Sans parler des autres hommes, j’en atteste le témoin que voici, qui a toujours présidé à toutes mes actions[1], j’en atteste vous-même, que de fois n’ai-je pas réfléchi sur ma misérable condition et sur la mort, et dans quel déluge de larmes n’ai-je pas cru laver mes souillures ? Eh bien, ce que je ne puis dire sans pleurer, comme vous voyez, jusqu’à présent tout a été vain. Cela seul m’inspire des doutes sur la vérité de la proposition que vous cherchez à établir, savoir que personne n’est tombé dans le

  1. La Vérité.