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S. Augustin. Je ne te parle que pour t’apprendre à espérer et à craindre.

Pétrarque. Comment craindre ?

S. Augustin. Dis-moi plutôt : comment espérer ?

Pétrarque. Parce que si jusque-là j’ai mis tous mes soins à ne pas être pire, vous m’ouvrez la voie qui me conduira à la perfection.

S. Augustin. Mais tu ne songes peut-être pas combien cette route est pénible.

Pétrarque. Allez-vous donc me causer de nouvelles terreurs ?

S. Augustin. Désirer n’est qu’un mot, mais qui se compose d’une foule d’éléments.

Pétrarque. Vous me faites trembler.

S. Augustin. Sans parler de ce qui constitue ce désir, il est produit par la destruction de beaucoup de choses.

Pétrarque. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

S. Augustin. Ce désir parfait ne peut naître sans étouffer tous les autres. Tu sais combien de choses différentes on souhaite dans la vie ; il te faudra d’abord les mépriser toutes pour t’élever à la convoitise de la félicité suprême, que l’on aime moins quand on aime avec elle quelque chose que l’on n’aime pas pour elle.

Pétrarque. Je reconnais la pensée.

S. Augustin. Combien en est-il qui aient éteint toutes leurs passions (qu’il est long, je ne dirai pas d’éteindre, mais seulement d’énumérer), qui aient soumis leur âme au