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l’union de l’âme avec le corps et l’oubli de la plus noble partie de nous-mêmes lorsqu’il a dit : Les âmes ont une vigueur de la nature du feu et un principe d’une origine céleste, tant qu’elles ne sont point alourdies par des corps nuisibles, ni émoussées par des membres terrestres et périssables. De là viennent chez les mortels la crainte, le désir, la douleur et la joie. L’âme ne tourne plus ses regards vers le ciel, enfermée qu’elle est dans les ténèbres d’une obscure prison[1]. Ne discernes-tu pas dans les paroles du poète, ce monstre à quatre têtes si hostile à la nature humaine ?

Pétrarque. Je discerne très clairement la quadruple passion de l’âme, que l’on divise d’abord en deux parties eu égard au présent et à l’avenir, et que l’on subdivise ensuite en deux autres d’après l’idée du bien et du mal. Ainsi battue en quelque sorte par quatre vents contraires, la tranquillité de l’âme humaine est détruite.

S. Augustin. Tu discernes bien, et cette parole de l’Apôtre s’est vérifiée en nous : Le corps qui se corrompt appesantit l’âme, et cette demeure terrestre abat l’esprit par la multiplicité des soins[2]. En effet, les formes et les images sans nombre des choses visibles, introduites une à une par les sens, se rassemblent et s’entassent au fond de l’âme. Elles l’appesantissent et la troublent, elle qui n’est point née pour cela et qui ne peut

  1. Énéide, VI, 730-734.
  2. La Sagesse, IX, 15.