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porelles ? est-ce une douleur physique ou quelque disgrâce de la fortune ?

Pétrarque. Rien de tout cela isolément ; si j’eusse été provoqué en combat singulier, j’aurais certainement tenu bon ; mais je suis maintenant accablé par une armée entière.

S. Augustin. Explique-toi plus clairement sur ce qui te tourmente.

Pétrarque. Chaque fois que la fortune me porte un premier coup, je reste ferme et intrépide, me rappelant qu’elle m’a souvent frappé grièvement et que j’en suis sorti vainqueur ; si bientôt après elle m’assène un second coup, je commence à chanceler un peu ; si elle revient à la charge une troisième et une quatrième fois, alors forcément je me réfugie non précipitamment, mais pas à pas dans la citadelle de la raison. Là, si la fortune m’assiège avec toute son armée et si pour me réduire elle accumule les misères de la condition humaine, le souvenir de mes souffrances passées et la crainte des maux à venir, alors enfin serré de toutes parts, saisi d’effroi devant ces malheurs entassés, je me lamente et je sens naître en moi ce cruel chagrin. Imaginez quelqu’un entouré d’innombrables ennemis, sans espoir d’échapper ni d’obtenir merci, sans consolation, à qui tout est hostile ; on dresse les machines, on creuse des mines sous terre, déjà les tours tremblent, on applique les échelles contre les remparts, on attache les mantelets contre les murailles, le feu parcourt les plan-