Page:Pétrarque - Poésies, 1842, trad. Gramont.djvu/334

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311 immuable celui qui jamais ne s'arrête, mais qui a cou- tume de tout changer en sa course! Et je vis ses trois parties resserrées en une seule, laquelle demeure immuable, de sorte qu'il cesse de se hâter, comme c'était sa coutume. Et il n'y avait là ni devant ni derrière lui, comme en cette terre dépouillée et déserte, cet avenir et ce passé qui rendent la vie amère, incertaine et languissante. La pensée traverse tout comme le Soleil traverse le verre, et même bien plus facilement, car rien ne peut l'arrêter; ô quelle grâce ce sera pour moi, si je l'obtiens jamais, De voir ici présent le souverain bien et le mal entière- ment banni, que le temps seul y mélange et qui s'en va avec lui, comme il vient avec lui ! Le Soleil n'ira plus habiter au signe du Taureau ou des Poissons, variation par laquelle notre travail tantôt naît et tantôt meurt, ou diminue ou s'accroît. Bienheureux les esprits qui se trouveront compris dans le chœur suprême ou qui se trouvent élevés,à un degré tel que leur nom soit gravé dans l'éternelle mémoire ! O bienheureux celui qui trouve le gué de ce torrent alpestre et rapide qu'on appelle la Vie, et que beaucoup de gens regardent comme si délicieux ! Malheur à la race aveugle et vulgaire qui met ici-bas. ses espérances en des choses que le temps emporte aus- sitôt ! O misérables mortels, infirmes de tout point, vérita- blement sourds, nus et débiles, et privés de jugement et de résolution! Celui qui gouverne le monde rien qu'avec son regard dont il trouble et apaise les éléments, ce n'est pas seule- ment moi qui ne puis approcher de sa science; Mais les Anges eux-mêmes sont heureux et satisfaits d'en voir une partie sur mille, et leur désir y demeure absorbé. O esprit avide que rien ne parvient à rassasier! à quoi