Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

expient les crimes de leur vie dans une sorte d'exil ; et, vain effroi des bons, fléaux des méchants, ils errent au hasard : on les désigne généralement sous le nom de "Larves". Mais quand on n'est pas assuré du sort des uns ou des autres, ni si un génie est lare ou larve, on le nomme "dieu Mâne". Ce titre de dieu n'est qu'une marque de respect ; car on n'appelle véritablement dieux que ceux dont la vie fut réglée selon les lois de la justice et de la vertu, et qui, divinisés ensuite par les hommes, reçurent des temples et des hommages ; comme Amphiaraüs en Béotie, Mopsus en Afrique, Osiris en Égypte, tel autre chez une autre nation, Esculape partout.

Chapitre 16

Cette division des démons ne regarde que ceux qui vécurent dans un corps humain ; mais il y a une autre espèce de démons non moins nombreux, supérieurs en puissance, d'une nature plus auguste et plus élevée, qui ne furent jamais soumis aux liens et aux chaînes du corps, et qui ont un pouvoir certain et déterminé. De ce nombre sont le Sommeil et l'Amour, qui exercent une influence opposée ; l'Amour, qui fait veiller ; le Sommeil, qui fait dormir. C'est dans cet ordre plus élevé que Platon met ces arbitres et ces témoins de nos actions, ces gardiens invisibles à tous, toujours présents, toujours instruits de nos actes et de nos pensées. Lorsque nous quittons la vie, ce génie qui a été donné à chacun de nous saisit l'homme confié à sa garde, et l'entraîne devant le tribunal suprême ; là il l'assiste dans sa défense, il rétorque ses mensonges, il confirme ses paroles, s'il dit vrai ; enfin c'est sur son témoignage que la sentence est portée. Ainsi donc, vous tous qui écoutez cette divine sentence que Platon prononce par ma bouche, réglez sur ce principe vos passions, vos actes et vos pensées, et n'oubliez pas que, pour ces gardiens, il n'est aucun secret au dedans ou au dehors de notre cœur ; que votre génie assiste à toute votre vie, qu'il voit tout, qu'il comprend tout, et, comme la conscience, pénètre dans les replis les plus cachés du cœur. Ce génie, c'est une sentinelle, un guide personnel, un censeur intime, un curateur particulier, un observateur assidu, un témoin inséparable, un juge familier qui improuve le mal, qui applaudit au bien ; qui doit être étudié, connu, honoré avec un soin religieux ; à qui nous devons, comme Socrate, l'hommage de notre justice et de notre innocence. Car, dans l'incertitude des événements, il prévoit pour nous ; dans le doute, il nous conseille ; dans le danger, il nous protège ; dans la misère, il vient à notre secours : il peut, tantôt par des songes, tantôt par des signes, quelquefois par sa présence visible, lorsqu'elle est nécessaire, il peut éloigner le malheur, appeler le succès, nous relever ou affermir notre fortune, éclaircir les nuages de la vie, nous guider dans le bonheur ou corriger l'adversité.

Chapitre 17

Et maintenant qui s'étonnera si Socrate, cet homme éminemment parfait, sage au dire d'Apollon lui-même, connut et honora son dieu, son gardien, son lare familier (je puis l'appeler ainsi) qui écartait de lui tout ce qu'il fallait écarter, qui le protégeait contre tous les dangers, qui