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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/26

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im brouillard Giton, debout nu coin d’une ruelle [sur la porte de notre hôtellerie, ] etje m’élançai dans la maison. Jeluidemandes’ilnousapréparé quelque chose pour dîner. Le pauvre enfant s’assied sur son lit, et essuie de son pouce les larmes qui lui coulent des yeux. Tout troublé de l’état où je le voyais, je voulus savoir quel malheur était survenu. Ce ne fut qu’après une longue répugnance, après que j’eus mêlé aux prières les menaces, qu’il nie dit : — Votre camarade de lit, ou compagnon que voilà, est venu ici tout courant peu avant vous, et s’est rais eudevoir de me faire violence. J’ai crié, il a tiré un poignard en disant : Si tu fais la Lucrèce, tu as trouvé unTarquin. — ■ A cette révélation, portant les poings sous les yeux d’Ascylte : Qu’as-tu à répondre’? lui dis-je, Ganymède plus complaisant qu’une courtisane, et chez qui la bouche môme n’est pas plus pure que le reste ? — Ascylte feignit l’indignation, et, copiant mon geste avec plus d’énergie, cria plus fort encore que moi : Te tairas-tu, toi que l’adultère a fait gladiateur, [qui as tué ton hôte, ] toi l’échappé d’un ampliithéûtre écroulé ? Te tairas-tu, nocturne assassin, qui même aux jours de ta vigueur ne fus jamais aux prises avec une femme pure des horreurs que tu me reproches ? toi qui dans un verger m’as souillé jadis comme tu souilles aujourd’hui cet enfant dans une taverne ? — Pourcpioi t’être esquivé, interrompisje, lorsque je causais îivec Agamemnon ?

X. — Imbécile que tu es, que devais-je faire, quand je niouraisdefaim ? Ecouterdes sentences, n’est-ce pas, qui me font l’effet de verres en éclats et d’interprétations de songes ? Tu es bien plus vil que moi, par Hercule ! Pour souper en ville, tu as flagorné un poète. — Alorj aux ignobles querelles succède un fou rire, notre ton se calme, et nous passons à autre chose. Mais l’attentat de mon rival me revenant toujours <à l’esprit : — Ascylte, lui dis-je, je vois que nous ne pouvons nous convenir ; ainsi, partageons notre petite communauté, et tâchons par nos profils séparés de chasser le besoin qui nous assiège. Vous êtes lettré, moi aussi : pour ne pas vous faire concurrence, je prendrai quelque autre enseigne ; autrement, mille sujets nous mettraient tous les jours en lutte, et nous perdraient de réputation danstoutelaville. — Ascylte ne s’y refusa point :

— Aujourd’hui, dit-il, comme nous avons, en qualité de gens d’écoles, pris un engagement à souper, il ne faut pas perdre notre nuit ; mais demain, puisque vous le voulez, je me pourvoirai d’un logement et d’un camarade de lit.

— Il en coûte trop, répliquai-je, de remettre un projet qui plaît. — Ce qui me faisait précipiter la séparation, c’est qu’en proie au feu du désir, dès longtemps j’aspirais à écarter un surveillant jaloux, pour renouer d’anciens rapports avec mon cher Giton. [Ascylte, blessé au vif, sort mipèmeusemeut sans mot dire. Un si brusque dé])art était de mauvais augure : je connaissais son caractère emporté et la violence de ses passions. Je le suivis, dans sa retraite pour éclairer ses démarclïes et en prévenir l’effet ; mais je le perdis de vue, et fus longtemps à le chercher eu vain.]

XI. Quand j’eus parcouru du regard toute la ville, je revins dans ma chambrette ; et, après maint baiser qu’à bon escient je savoure. enfin, j’enlace mou jeune anii des plus étroits embrasseinents, mes vœux se réalisent, et mon bonheur devient digne d’envie. Le mystère n’était point encore accompli, lorsqu’Ascylte, s’approchant à petit bruit de la porte, dont il enfonce violeiiunent la clôture, me trouve fraternisant