Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

haut degré en fait d’évocations sépulcrales. Elle peut, rien qu’en soufflant sur une pierre, une baguette ou quelque autre objet aussi insignifiant, précipiter les astres du haut de la voûte éthérée dans les profondeurs du Tartare, et replonger la nature dans le vieux chaos. Elle ne voit pas un jeune homme de bonne mine sans se passionner aussitôt. Dès lors, ni ses yeux ni son cœur ne peuvent se détacher de lui. Elle l’entoure d’amorces, s’empare de son esprit, l’enlace à jamais dans les chaînes de son inexorable amour. À la moindre résistance, elle s’indigne ; et les récalcitrants sont tantôt changés en pierres ou en animaux, tantôt anéantis tout à fait. Ah ! Je tremble pour votre sûreté. Gardez-vous de brûler pour elle ; ses ardeurs sont inextinguibles, et votre âge et votre tournure ne vous expose que trop à la conflagration.

Ainsi Byrrhène exprimait ses craintes ; mais, puissance de la curiosité ! au seul mot de magie, ce but de toutes mes pensées, loin d’éprouver de l’éloignement pour Pamphile, je me sentis naître un violent désir de me faire à tout prix initier par elle aux secrets de son art. Il me tardait d’aller à corps perdu me jeter dans cet abîme. Mon impatience tenait du délire ; au point que m’arrachant des mains de Byrrhène, comme d’une chaîne qui me pesait, je lui dis brusquement adieu, et je volai au logis de Milon. Allons, Lucius, me disais-je, tout en courant comme un fou, courage et présence d’esprit ; voici l’occasion tant souhaitée. Tu vas t’en donner de ce merveilleux dont tu es si avide. Ne vas pas faire l’enfant ; il s’agit de traiter rondement l’affaire. Point d’intrigue amoureuse avec ton hôtesse. La couche de l’honnête Milon doit être sacrée pour toi : mais il y a Fotis, la jeune chambrière, qu’il te faut emporter de haute lutte. La friponne est piquante ; elle aime à rire ; elle pétille d’esprit. Hier au soir, quand tu ne songeais qu’à dormir, ne te conduisit-elle pas très officieusement à ta chambre ? Et quel empressement ! délicat à te déshabiller, à te couvrir dans ton lit ! Ce baiser sur ton front, cette expression dans son regard trahissaient assez son regret de te quitter. Maintes fois, avant de sortir, elle a fait une pause, et regardé en arrière. Allons, j’en accepte l’augure. Arrive que pourra, j’aurai pied ou aile de cette Fotis.

Tout en délibérant ainsi, et, comme on dit, opinant de mes jambes, je me trouve à la porte de Milon. Ni le patron ni sa femme n’étaient au logis. Mais j’y trouvai Fotis, mes amours. Elle s’occupait à préparer pour ses maîtres un mets composé de viande hachée menu et d’autres ingrédients ; le tout se mitonnait dans une casserole à ragoûts ; et, bien qu’à distance, il en arrivait jusqu’à mon nez des émanations qui promettaient. Fotis était vêtue d’une blanche robe de lin, qu’une ceinture d’un rouge éclatant, un peu haut montée, serrait juste au-dessous des boutons du sein. Ses mains mignonnes agitaient circulairement le contenu du vase culinaire, non sans lui imprimer de fréquentes secousses. Un branle voluptueux se communiquait ainsi à toute sa personne. Je voyais ses reins se ployer, ses hanches se balancer, et toute sa taille ondoyer de la façon la plus agaçante.

Je restai là muet d’admiration et comme en extase. Voilà mes sens, du calme plat, qui pas-