Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/300

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et je répondis enfin : À Dieu ne plaise, ma mère, que je me donne un pareil tort envers mon hôte Milon, dont je n’ai pas à me plaindre ! Mais vous me verrez aussi assidu près de vous que je puis l’être, sans manquer à ce que je lui dois. Et à l’avenir, si je refais ce voyage, à coup sûr je n’irai pas descendre ailleurs que chez nous.

Nous faisons quelques pas durant cet échange de compliments, et nous arrivons à la maison de Byrrhène. Un vestibule de la dernière magnificence nous offre aux quatre coins une colonne, surmontée d’un globe qui porte une Victoire élevant des palmes. Ces figures s’élancent à ailes déployées, chacune vers un point de l’horizon. Du bout de leurs pieds, d’où s’échappent des gouttes de rosée, elles repoussent, par un mouvement précipité, le point d’appui, qui se dérobe en tournant sans se déplacer. Le pied n’y pose plus, mais il l’effleure encore ; et l’illusion va jusqu’à vous faire voir ces statues en plein vol. Une Diane en marbre de Paros, du travail le plus exquis, occupe le point central de l’édifice. La déesse marche, et, dans son action animée, ses draperies flottent, son buste se projette en avant ; elle semble venir à votre rencontre, et le respect vous saisit à la majesté divine qui l’environne. Plusieurs chiens l’escortent de droite et de gauche. Ces animaux sont aussi de marbre. Leurs yeux menacent, leurs oreilles se dressent, leurs naseaux s’enflent, ils montrent leurs dents terribles. Si, du voisinage, un aboiement se faisait entendre, chacun croirait qu’il sort de ces gosiers de pierre. L’habile statuaire a fait ici un véritable tour de force. Les chiens sont en élan, et toute leur partie antérieure semble porter en l’air, tandis qu’elle repose en effet sur les pieds de derrière qui n’ont pas quitté le sol. En arrière de ce groupe s’élève une grotte tapissée de mousse, de gazon, de lianes grimpantes et de pampre, entremêlés çà et là de ces arbustes qui se plaisent sur les rochers. Tout l’intérieur de la grotte est éclairé par le reflet du marbre, dont rien n’égale la blancheur et le poli. Au dehors et sur les flancs pendent des raisins et d’autres fruits, que l’art, émule de la nature, a exprimés avec une vérité parfaite. C’est à croire qu’ils attendent seulement, pour être cueillis et mangés, que la coloration leur soit venue du souffle mûrissant du vent d’automne. Penchez-vous, et voyez-les se réfléchir dans le miroir de ces fontaines qui jaillissent en divers sens des pieds de la statue ; ils tremblent dans cette onde agitée comme aux rameaux de la vigne elle-même, et à l’imitation déjà si parfaite se joint le prestige du mouvement. Au travers du feuillage, on voit se dessiner la figure d’Actéon, déjà cerf à moitié. Il jette, en tournant la tête, un regard furtif sur la déesse, et guette l’instant où elle va se mettre au bain.

Tandis que mon œil charmé parcourt à l’envi ces belles choses, revenant sans cesse de l’une à l’autre : Tout ce que vous voyez est à vous, me dit Byrrhène ; et désirant m’entretenir en tête-à-tête, elle fit retirer tout son monde. Quand nous fûmes seuls : Je tremble pour vous comme pour un fils, mon bien-aimé Lucius, me dit-elle ; j’en prends Diane à témoin. Ah ! que je voudrais pouvoir écarter les dangers qui menacent cette tête si chère ! Gardez-vous, mais gardez-vous sérieusement des fatales pratiques et des détestables séductions de cette Pamphile, la femme de Milon, que vous dites être votre hôte. C’est, dit-on, une sorcière du premier ordre, experte au plus