Aller au contenu

Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de son vêtement. La volupté chez moi devenait torture ; je n’y tenais plus ; et me penchant avidement sur le beau cou de Fotis, à l’endroit où les cheveux prennent naissance, j’y imprimai un long et délicieux baiser.

Elle tourna la tête, et me lançant de côté une œillade assassine : Ah ! jeune écolier, vous prenez goût à ce nanan ; tout n’y est pas miel ; prenez-y garde. À la longue, trop de douceur aigrit la bile. J’en cours le risque, ma chère âme, m’écriai-je ; pour savourer un seul de tes baisers, je suis homme à me laisser griller tout de mon long sur le brasier que voilà. Je dis ; et la serrant dans mes bras, je joignis les effets aux paroles. Mon feu la gagne, elle me rend étreinte pour étreinte, caresse pour caresse. Sa bouche entrouverte me prodigue le parfum de son haleine ; nos langues se rencontrent aiguillonnées par nos communs désirs. Ivre de ce doux nectar, Je meurs, m’écriai-je, je suis mort, si tu ne m’exauces. Mais elle, m’embrassant de nouveau, me dit : Rassure-toi ; tes désirs sont les miens : je suis à toi, et nos plaisirs ne se feront guère attendre. À l’heure des flambeaux, je serai dans ta chambre. Va rassembler tes forces ; car je veux toute la nuit te livrer bataille, et j’irai de tout cœur. L’entretien dura encore quelque temps sur ce ton, puis nous nous séparâmes.

Vers midi, je reçois un porc gras, cinq poulardes et un baril d’excellent vin vieux, que Byrrhène m’envoyait pour ma bienvenue. J’appelle aussitôt Fotis. Tiens, lui dis-je, voici du renfort pour Vénus : Bacchus, son écuyer, lui apporte ses armes. Il faut qu’aujourd’hui même nous mettions ce tonneau à sec. Noyons la froide pudeur dans le vin, et puisons dans ses flots une ardeur infatigable. De l’huile à pleine lampe (car adieu cette fois au sommeil), et du vin à pleines coupes, c’est tout ce qu’il faut pour le voyage de Cythère.

Je me rendis de suite au bain, où je passai le temps jusqu’au souper, mon cher hôte Milon m’ayant invité à partager son très maigre ordinaire. Je n’avais pas oublié les avis de Byrrhène ; aussi pris-je grand soin de ne rencontrer que le moins possible le regard de la maîtresse du logis. Je ne jetais les yeux de son côté qu’avec effroi, comme si j’allais voir le lac Averne. Par compensation, Fotis était là pour nous servir. Pas un de ses mouvements ne m’échappait, et cette vue me réjouissait l’âme.

La nuit survint. Tout à coup Pamphile s’écria, en regardant la lampe : Quelle averse pour demain ! Son mari lui demanda comment elle le savait. C’est la lampe qui me l’annonce, reprit-elle. Milon se mit à rire. Admirable sibylle que nous avons là, dit-il, au courant de toutes les affaires du ciel. Du haut de cette tige qui la porte, il n’est sans doute pas un mouvement du soleil qu’elle n’observe. Ici je pris à mon tour la parole : C’est là effectivement une des premières notions de l’art divinatoire ; et la chose est toute simple. Cette petite flamme allumée par une main mortelle n’est rien moins qu’une étincelle du feu céleste ; une secrète correspondance existe entre elle et sa divine origine. Elle sait ce qui va se passer là-haut : pourquoi ne pourrait-elle pas le prédire ? À ce propos, nous avons maintenant à Corinthe un Chaldéen qui fait des consultations merveilleuses, et qui met toute la ville en émoi.