Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/353

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sa retraite, recevra pour sa peine sept baisers de la bouche même de Vénus ; plus, un huitième, emmiellé de ce que ses lèvres ont de plus doux. S’adresser pour la réponse au crieur Mercure, derrière les Pyramides Murciennes. » À cette annonce, on juge quelle excitation l’espoir d’un pareil prix dut produire chez les mortels. Cette circonstance acheva de détruire toute irrésolution dans l’esprit de Psyché.

Déjà elle approchait des portes de sa maîtresse ; l’Habitude, une des suivantes de Vénus, accourt, en criant du plus haut ton de sa voix : Te voilà donc, servante détestable ! Enfin tu te souviens que tu as une maîtresse ! Ne vas-tu pas, avec l’effronterie dont tu es pourvue, feindre d’ignorer quelle peine nous avons eue à courir après toi ? Par bonheur, c’est dans mes mains que tu tombes ; autant vaudraient pour toi les griffes de l’enfer. Ah ! tu vas recevoir le prix de ta rébellion. Et, la saisissant par les cheveux, elle entraîne la pauvrette, qui n’oppose aucune résistance.

En voyant sa victime devant elle, et comme offerte à ses coups, Vénus poussa un grand éclat de rire ; de ce rire que produit souvent l’excès de la colère. Enfin, dit-elle, en secouant la tête et se frottant l’oreille droite, vous daignez venir saluer votre belle-mère. N’est-ce pas à votre mari, malade par votre fait, que s’adresse l’honneur de votre visite ? Oh ! soyez tranquille ; on vous traitera comme le mérite une aussi estimable belle-fille. Où sont, dit-elle, mes deux servantes, l’Inquiétude et la Tristesse ? On les introduit ; et Vénus livre Psyché à leurs mains cruelles. Suivant l’ordre qu’elles ont reçu, elles la frappent de verges, la torturent de mille manières, puis la ramènent en présence de leur maîtresse.

Vénus se mit de nouveau à rire. Oh ! voici, dit-elle, un gros ventre bien fait pour me disposer à la commisération. Cette belle progéniture va faire de moi une si heureuse grand-mère ! Grand-mère ! n’est-ce pas bien réjouissant de s’entendre donner ce nom, et d’avoir pour petit-fils l’enfant d’une vile servante ? Mais je suis folle, en vérité, d’appeler cela mon fils. Ce mariage disproportionné, consommé dans une campagne, sans témoins, sans le consentement du père, ne saurait être légitime. Le marmot sera bâtard, supposé que je lui donne le temps de naître.

En proférant ces mots, elle s’élance sur la pauvre Psyché, met sa robe en pièces, lui arrache les cheveux, et lui meurtrit de coups la tête. Ensuite elle se fait apporter du froment, de l’orge, du millet, de la graine de pavots, des pois, des lentilles et des fèves. Elle mêle et confond le tout, et s’adressant à sa victime : Une servante, une créature si disgraciée doit être une habile personne pour avoir su se faire si bien venir. Eh bien ! je veux essayer ton savoir faire. Tu vois cet amas de graines confondues ? tu vas me trier tout, séparer chaque espèce, et en faire autant de tas. Je te donne jusqu’à ce soir pour m’expédier cette tâche. Et, après lui avoir taillé cette belle besogne, la déesse sort pour se rendre à un repas de noces.

Psyché ne songe pas même à mettre la main à ce chaos inextricable. Elle reste immobile et