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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/390

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avec clochettes et cymbales, recommencer ma course mendiante et vagabonde. Après avoir bien rôdé de cabane en cabane, de maison en maison, nous rencontrâmes une bourgade bâtie, suivant la tradition du lieu, sur les ruines d’une opulente cité. Nous prîmes gîte à la première auberge, où l’on nous conta une historiette assez drôle arrivée dans un petit ménage. Je veux vous en faire part.

Un pauvre hère, forgeron de son métier, et vivotant de son mince salaire, avait pris une femme non moins pauvre que lui, mais à qui sa galanterie fit bientôt une sorte de célébrité. Un jour que le mari était allé de grand matin à l’ouvrage, un certain amoureux prit son temps pour se glisser chez lui : et les joyeux ébats d’aller leur train en toute sécurité. Tout à coup le mari rentre à l’improviste. Jamais soupçon ne lui était venu à l’esprit, loin qu’il se doutât de la chose. Porte close, verrous tirés ; mon homme est ravi de la vertu de sa femme. Il frappe, il siffle, pour annoncer qu’il est là. L’amant ne se dérangeait pas ; mais la rusée, experte s’il en fut en cette pratique, se dégage de ses bras. Un cuvier se trouvait là, presque enterré dans un coin : elle y fait tapir le galant, et va ensuite ouvrir la porte. Son mari n’avait pas franchi le seuil, qu’elle l’apostrophe aigrement. Hé bien ! dit-elle, c’est ainsi que tu vas musardant, les bras croisés et les mains vides, plantant là ta besogne, sans te soucier du ménage, sans rapporter de quoi mettre sous la dent ! et il faut que ta pauvre femme jour et nuit se torde les bras à filer de la laine pour entretenir du moins une lampe dans notre taudis ! Que la voisine Daphné est heureuse ! elle boit et mange tout son soûl, et se donne encore du bon temps avec ses amoureux.

À cet accueil, le mari reprend tout penaud : Allons, quelle mouche te pique ? Le patron est en procès, et l’ouvrier chôme ; hé ! au moins, nous aurons de quoi dîner aujourd’hui. Tu vois bien ce cuvier toujours vide, qui tient tant de place ici, et ne fait qu’embarras dans notre logis ? je l’ai vendu cinq deniers, et l’acheteur me suit avec son argent pour emporter son meuble. Ainsi à l’ouvrage ! donne-moi un coup de main pour le mettre sur pied et en état. La gaillarde avait trouvé son thème. Elle part d’un grand éclat de rire. Le joli mari que j’ai là, dit-elle, et l’habile homme en affaires ! ce que moi, simple femme, sans bouger du logis, j’ai vendu sept deniers, le nigaud va le laisser pour cinq.

Ravi de cette surenchère, le mari demande qui est l’acheteur. Mais elle : Hé ! je te dis, benêt, qu’il est entré dans le cuvier pour s’assurer s’il est solide. L’autre prit la balle au bond et se relevant alerte : Tout franc, bonne femme, dit-il, votre cuvier n’est guère eu bon état ; il est tout à jour et ne tient à rien. Puis se tournant du côté du mari, sans avoir l’air de le connaître : Et toi, l’ami, qui que tu sois, apporte-moi vite une lumière. Quand j’aurai gratté les ordures à l’intérieur, je verrai s’il peut faire encore du service. Ah ! c’est que je ne paye pas en argent volé. Tout aussitôt, et sans ombre de soupçon, le subtil mari, l’aigle des maris, allume sa lant-