Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/405

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remonte sur mon dos, et, grand train, se rend droit à la ville. Il ne se souciait pas de revenir chez lui. Il va donc trouver un ami, lui conte son aventure, et le prie de l’assister dans cette position critique. Il ne s’agit que de le cacher, son âne et lui, pour deux ou trois jours. C’est assez pour dérouter l’accusation et sauver sa tête. L’ami se montra vraiment ami, et ne se fit pas prier. On me fait plier les jambes, et l’on me hisse, à l’aide d’une échelle, dans une pièce au-dessus. Le jardinier reste en bas dans la boutique, et se blottit dans un panier dont on ferme le couvercle sur lui.

Cependant mon légionnaire, ainsi que je l’appris plus tard, avait fini par se mettre sur ses pieds. Mais en homme qui sort d’un long état d’ivresse, moulu, chancelant, et s’appuyant sur son bâton, il avait à grand-peine gagné la ville. Bien confus d’avoir eu le dessous, et de s’être ainsi laissé battre, il aimait mieux dévorer son dépit que de mettre aucun habitant dans la confidence de sa défaite ; mais ayant rencontré quelques-uns de ses camarades, il leur conta son piteux cas. On convint qu’il resterait au quartier quelque temps sans se faire voir ; car, outre le déshonneur, il appréhendait, en raison de la perte de son épée, les peines sacramentelles de la loi militaire. Les autres, dans l’intervalle, devaient, munis de notre signalement, s’occuper activement de nous découvrir et de le venger. Un traître de voisin nous vendit, et indiqua notre cachette. La justice est appelée : fausse déposition des soldats, qui prétendent avoir perdu en route un petit vase d’argent appartenant à leur général. L’objet aurait été trouvé par un jardinier qui refusait de le rendre, et qui s’était allé cacher dans la maison d’un ami.

Les magistrats s’étant fait décliner et le nom du général et le prix de l’objet perdu, arrivent à la porte de la maison de refuge, et là somment notre hôte à haute voix de livrer ceux qu’il recélait, sous peine d’encourir personnellement une action capitale. Le maître du logis ne sourcilla pas. Occupé uniquement de sauver l’ami qui s’est confié à lui, il se renferme dans une dénégation absolue, et même il soutient qu’il n’a pas vu le jardinier depuis plusieurs jours. Les soldats, de leur côté, de jurer par le bon génie du prince que le voleur est bien là, et non ailleurs. Les magistrats ordonnent la perquisition. Des licteurs et autres officiers publics y procèdent, fouillent la maison dans tous les coins. Homme ni baudet n’est apparu, suivant leur dire. L’altercation s’échauffe. Les soldats soutiennent que l’homme et l’âne sont là cachés, et jurent par l’empereur. Le patron ne cesse de nier, et de prendre tout l’Olympe à témoin.

Pendant qu’on disputait et qu’on vociférait en bas, n’allai-je pas m’aviser, âne indiscret autant que curieux, de fourrer de côté mon museau par une lucarne, pour voir un peu ce que signifiait ce vacarme ? Or, le hasard voulut que l’œil d’un soldat, tourné de ce côté, saisit mon ombre au passage. Aussitôt il fait part aux autres de sa découverte. Grande rumeur. Vite on applique une échelle ; me voilà appréhendé au corps, et