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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/411

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donniez le supplice de cet innocent homme, ni que ce misérable, parce qu’il peut se jouer des moyens de votre justice, échappe au châtiment qui lui est dû. Je vais établir jusqu’à l’évidence que le coupable est devant vous. Sollicité par cet homme abominable de lui procurer le poison le plus énergique, j’ai jugé d’un côté le service qu’il me demandait incompatible avec le devoir de ma profession, car la médecine est instituée pour sauver la vie et non pour la détruire ; et, de l’autre, que si je le refusais, je laisserais imprudemment la voie ouverte au crime ; car on pouvait se pourvoir ailleurs de poison, employer le poignard ou toute espèce d’arme pour consommer l’acte médité. J’ai donc livré une potion, mais une potion qui n’est que somnifère. C’est de la mandragore, substance bien connue pour sa vertu narcotique, et qui provoque un sommeil de tous points semblable à la mort. Il n’y a pas de quoi s’étonner au surplus en voyant un désespéré comme celui-là, qui sait quel supplice lui revient d’après les lois de nos ancêtres, soutenir aisément l’épreuve comparativement légère de la torture. Encore une fois, si l’enfant n’a pris que la potion préparée de mes mains, il vit, son sommeil n’est qu’un repos. Une fois sorti de cette léthargie, il reverra la lumière du jour. S’il a péri, s’il est vraiment et définitivement mort, la cause en est ailleurs. Libre à vous de la chercher. Ainsi parla le vieillard. Il entraîna l’assemblée.

On se précipite aussitôt vers le sépulcre où gisait le corps de l’enfant. Sénateurs, gens de condition et bas peuple, tous s’y portent en foule, avec le plus avide empressement. Le père, de ses propres mains, découvre le cercueil. Précisément la léthargie arrivait à son terme. Il voit se lever son fils, rendu à l’existence. Il le serre étroitement dans ses bras, et, muet par l’excès de la joie, le montre à tout le peuple. Aussitôt l’enfant, encore enveloppé de son linceul, est transporté au tribunal. Alors se révèle le noir complot de l’esclave et de l’épouse, plus perverse encore. La vérité paraît dans tout son jour. On condamne la marâtre au bannissement perpétuel. Son complice est mis en croix. Et, du consentement de tous, l’honnête médecin garda les pièces d’or pour prix du spécifique administré si à propos. Tel fut le dénouement vraiment providentiel de ce drame intéressant et mémorable. Heureuse péripétie pour le bon vieillard, qui, au moment de se voir frappé dans sa postérité tout entière, se retrouve tout à coup père de deux enfants.

Quant à moi, voici de quelle façon la fortune se plut à me ballotter dans ce temps-là. Ce même soldat qui avait su faire emplette de mon individu sans avoir affaire à vendeur quelconque, et entrer en possession sans bourse délier, se trouva forcé, par l’ordre de son tribun, de partir pour Rome, porteur d’un message pour le plus grand des princes. Il me vendit onze deniers à deux frères, esclaves tous deux chez un riche du voisinage. L’un était pâtissier au petit four, grand faiseur de tartelettes au miel et autres friandises. L’autre était cuisinier entendant à merveille les combinaisons d’assaisonnement, sauces et cuissons. Ils logeaient ensemble et vivaient en commun. Leur maître était voyageur par goût, et ils m’avaient acheté pour porter l’atti-