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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/420

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ont désignée pour le rôle de Junon. Son front est ceint d’un blanc diadème, et le sceptre est dans sa main. Après elle, une autre nymphe fait une entrée brusque. Le casque étincelant dont elle est coiffée et que surmonte une couronne d’olivier, l’égide qu’elle porte, la lance qu’elle brandit, toute son attitude de guerrière, ont fait nommer Minerve. Enfin paraît une troisième beauté. À ses formes incomparables, à cette grâce de mouvements, au divin coloris qui anime ses traits, on ne peut méconnaître Vénus. Aucun voile ne dérobe à l’œil les perfections de ce corps adorable, si ce n est une soie transparente négligemment jetée sur ses charmes les plus secrets ; encore Zéphyr soufflait-il alors, et l’indiscret de son haleine amoureuse, tantôt soulevant le léger tissu, laissait entrevoir le bouton de la rose naissante ; et, tantôt, se collant sur le nu, en dessinait les voluptueux contours. Deux couleurs frappent l’œil à l’aspect de la déesse. L’albâtre de sa peau montre en elle la fille des cieux, et l’azur de son vêtement rappelle la fille de la mer.

Pour compléter l’illusion, chaque déesse a son cortège significatif. Derrière Junon, deux jeunes acteurs figurent Castor et Pollux. Ils sont coiffés de casques dont le cimier brille d’étoiles, et rappellent, par leur forme oblongue, l’œuf dont les jumeaux sont sortis. La déesse s’avance au son de la flûte mélodieuse. Sa démarche est noble et simple. Par une pantomime aussi naturelle qu’expressive, elle promet au berger, s’il lui adjuge le prix de la beauté, de lui donner l’empire d’Asie. La belle au costume guerrier, la Minerve de la pièce, est escortée par deux jeunes garçons personnifiant le Trouble et l’Effroi. Ces fidèles écuyers de la déité redoutable bondissent à ses côtés, agitant des épées nues. Derrière elle, un joueur de flûte exécute un air belliqueux sur le mode dorien, dont les notes, graves comme celles du clairon, contrastant avec les sons aigus propres à la flûte, accompagnent énergiquement les pas précipités de la danse martiale. La déesse agite fièrement la tête, menace des yeux, et d’un geste violent et superbe fait comprendre à Pâris que s’il donne à sa beauté la palme, elle fera de lui un héros et le couvrira des lauriers de la gloire.

Vénus avance à son tour, accueillie par les murmures flatteurs de l’assemblée, et s’arrête au milieu de la scène, entourée d’une foule de jolis enfants. Son sourire est charmant ; sa pose est enchanteresse. À la vue de tous ces petits corps si ronds et si blancs, on croirait que l’essaim des Amours, oui, des Amours, a déserté les cieux, ou vient de s’envoler du sein des mers. Petites ailes, petites flèches, tout en eux prête à l’illusion. Des torches brillaient dans leurs mains, comme s’ils eussent éclairé leur souveraine, prête à se rendre à quelque banquet nuptial. Sur leurs pas se pressent des groupes de jeunes vierges ; ce sont les Grâces riantes, ce sont les séduisantes Heures. Toutes répandent à pleines mains les fleurs et les guirlandes, et, entourant de leurs rondes la reine du plaisir, lui font hommage de ces prémices du printemps.

En ce moment, les flûtes à plusieurs trous soupirent tendrement sur le mode lydien, et portent dans l’âme une noble ivresse. À ces voluptueux accents, la voluptueuse déesse elle