Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/423

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sexes, et perpétuer par la génération l’existence de la race humaine ; toi qui te plais à habiter le temple insulaire de Paphos, chaste sœur de Phébus, dont la secourable assistance au travail de l’enfantement a peuplé le vaste univers ; divinité qu’on adore dans le magnifique sanctuaire d’Éphèse ; redoutable Proserpine, au nocturne hurlement, qui, sous ta triple forme, tiens les ombres dans l’obéissance ; geôlière des prisons souterraines du globe ; toi qui parcours en souveraine tant de bois sacrés, divinité aux cent cultes divers, ô toi dont les pudiques rayons arpentent les murs de nos villes, et pénètrent d’une rosée féconde nos joyeux sillons ; qui nous consoles de l’absence du soleil en nous dispensant ta pâle lumière ; sous quelque nom, dans quelque rit, sous quelques traits qu’il faille t’invoquer, daigne m’assister dans ma détresse, affermis ma fortune chancelante. Qu’après tant d’assauts j’obtienne enfin paix ou trêve ; qu’il suffise de tant d’épreuves, de tant de traverses. Ote-moi cette hideuse enveloppe de quadrupède ; rends-moi aux regards des miens, à ma forme de Lucius. Et si quelque dieu irrité me poursuit d’un courroux implacable, que je puisse mourir du moins puisqu’il ne m’est pas permis de vivre.

Après cette prière, accompagnée de lamentations à fendre le cœur, je retombai dans mon abattement, et, m’étant recouché, le sommeil vint de nouveau s’emparer de moi. À peine avais-je fermé les yeux, que du sein des mers s’élève d’abord une face imposante à commander le respect aux dieux mêmes ; puis un corps tout entier, resplendissant de la plus vive lumière. Cette auguste figure sort des flots, et se place devant moi. Je veux essayer de tracer ici son image, autant qu’il est possible au langage humain. Peut-être l’inspiration divine viendra-t-elle féconder mon expression, et lui donner la couleur qui lui manque.

Une épaisse et longue chevelure, partagée en boules gracieuses, flottait négligemment derrière le cou de la déesse. Une couronne de fleurs mêlées, placée au sommet de sa tête, venait des deux côtés se rejoindre sur son front à l’orbe d’une plaque circulaire en forme de miroir, dont la blanche clarté faisait reconnaître la lune. Le long de ses tempes, régnait en guise de bandeau des vipères dressant la tête. Elle portait une robe du tissu le plus délié, dont la couleur changeante se nuançait tour à tour de blanc pâle, de jaune safrané, et du rose le plus vif ; mais ce qui surprit le plus mes yeux, ce fut son manteau ; il était du noir le plus brillant, et jeté, comme un bouclier, en travers de son dos, du flanc droit à l’épaule gauche. Un des bouts, garni des plus riches franges, retombait à plis nombreux. Sur le fond du manteau se détachait un semis de brillantes étoiles, et dans le milieu se montrait une lune dans son plein, toute rayonnante de lumière. Les parties que l’œil pouvait saisir de l’encadrement offraient une série continue de fleurs et de fruits entremêlés en guirlandes. La déesse tenait dans ses mains différents attributs. Dans sa droite était un sistre d’airain, dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier était traversée de trois petites baguettes, qui, touchées d’un même coup, rendaient un tintement aigu. De sa main gauche pendait un vase d’or en forme de gon-