Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/429

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reté, pour plus grande garantie, prenez dans notre sainte milice l’engagement que naguère il vous fut conseillé de prendre. Consacrez-vous à notre culte ; subissez-en le joug volontaire. Servez notre déesse, afin de mieux sentir le bienfait de votre liberté.

Ainsi parla le pontife inspiré, et sa voix s’arrêta haletante, comme oppressée par l’inspiration. Aussitôt, me mêlant à la foule religieuse, je suivis la marche du sacré cortège. Objet de l’attention universelle, c’était moi que chacun montrait du doigt et du geste. On ne parlait que de moi. Voilà, disait-on, celui que la toute-puissante volonté de la déesse vient de rendre à la forme humaine. Heureux, trois fois heureux le mortel à qui une conduite irréprochable sans doute aura valu cette éclatante protection d’en haut, et qui renaît en quelque sorte pour être aussitôt voué au saint ministère !

Toujours marchant au milieu d’un concert de vœux, le cortège arrive sur le bord de la mer, précisément à l’endroit où j’avais, sous ma forme d’âne, pris gîte la nuit précédente. Là, suivant un cérémonial prescrit, sont déposés les simulacres divins. Le grand prêtre s’approche d’un vaisseau de construction merveilleuse, dont l’extérieur était peint sur toutes les faces de ces signes mystérieux adoptés par les Égyptiens ; il le purifie, dans les formes, avec une torche allumée, un œuf et du soufre ; et l’ayant ensuite nommé, il le consacre à la déesse. Sur la blanche voile du fortuné navire se lisaient des caractères, dont le sens était un vœu pour la prospérité du commerce maritime renaissant avec la saison nouvelle. Le mât se dresse alors. C’était un pin d’une parfaite rondeur, du plus beau luisant, et d’une hauteur prodigieuse, dont la hune surtout attirait les regards. La poupe, au cou de cygne recourbé, était revêtue de lames étincelantes ; et la carène, construite entièrement de bois de citronnier du plus beau poli, faisait plaisir à voir. Tous bientôt, initiés ou profanes, apportent à l’envi des vases remplis d’aromates et de diverses offrandes, et font sur les flots des libations de lait caillé, jusqu’au moment où le navire chargé de présents et de pieuses offrandes, libre enfin des liens qui le retenaient à l’ancre, et profitant d’un vent doux qui s’élevait exprès, eut gagné la haute mer. Et lorsqu’il n’apparut plus que comme un point dans l’espace, les porteurs d’objets sacrés, qui avaient déposé leurs fardeaux, les reprirent, et la procession se remit en marche dans le même ordre pour rentrer au temple.

Arrivés au sacré parvis, le grand prêtre, ceux qui portent les saintes effigies, et ceux qui sont depuis longtemps initiés aux mystères vénérables, entrent dans le sanctuaire de la déesse, et y replacent ces images qui semblent respirer. Alors l’un d’eux, à qui l’on donnait le titre de secrétaire, debout devant la porte, convoque à haute voix une assemblée des Pastophores (nom que l’on donne à ce sacré collège). Il monte ensuite dans une chaire élevée, et récite, en lisant dans un livre, des prières pour le grand empereur, pour le sénat, pour les chevaliers, pour le peuple romain, pour la prospérité de tout ce qui compose le vaste empire, et conclut par la for-