Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/433

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Sans doute, ami lecteur, votre curiosité va s’enquérir de ce qui se dit, de ce qui se fit ensuite. Je le dirais, s’il était permis de le dire ; vous l’apprendriez, s’il était permis de l’apprendre. Mais il y aurait crime au même degré pour les oreilles confidentes et pour la bouche révélatrice. Si cependant c’est un sentiment religieux qui vous anime, je me ferais scrupule de vous tourmenter. Écoutez et croyez, car ce que je dis est vrai. J’ai touché aux portes du trépas ; mon pied s’est posé sur le seuil de Proserpine. Au retour, j’ai traversé tous les éléments. Dans la profondeur de la nuit, j’ai vu rayonner le soleil. Dieux de l’enfer, dieux de l’Empyrée, tous ont été vus par moi face à face, et adorés de près. Voilà ce que j’ai à vous dire, et vous n’en serez pas plus éclairés. Mais ce que je puis découvrir sans sacrilège aux intelligences profanes, le voici :

Le point du jour arriva ; et, les cérémonies terminées, je m’avançai couvert de douze robes sacerdotales, circonstance mystérieuse assurément, mais que rien ne m’oblige à taire, car elle eut de nombreux témoins. Une estrade en bois était élevée au milieu de l’édifice sacré. On m’y fit asseoir en face de la statue de la déesse, splendidement couvert d’une robe de dessus de lin à fleurs. Une précieuse chlamyde flottait sur mes épaules et descendait jusqu’à mes talons. Je me montrais chamarré, sous tous les aspects de figures d’animaux de toutes couleurs. Ici, c’étaient les dragons de l’Inde ; là, les griffons hyperboréens, animaux d’un autre monde et pourvus d’ailes comme les oiseaux. Les prêtres donnent à ce vêtement le nom d’étole olympiaque. Ma main droite tenait une torche allumée ; mon front était ceint d’une belle couronne de palmier blanc, dont les feuilles dressées semblaient autant de rayons lumineux. Tout à coup les rideaux se tirent, j’apparais comme la statue du soleil à la foule, qui fixe sur moi ses regards avides. Je célébrai ensuite mon heureuse initiation par un délicat et somptueux banquet. Trois jours durant, ma brillante intronisation se répéta avec l’accompagnement indispensable du religieux festin. Je demeurai là quelques jours encore plongé dans une extatique contemplation de l’image de la déesse, et comme enchaîné par son ineffable bienfait. Averti enfin par la divinité elle-même, et après lui avoir humblement payé un tribut d’actions de grâce, bien insuffisant sans doute, mais tel que le permettaient mes facultés, je songeai à regagner mes foyers, depuis si longtemps déserts. Mais ce ne fut pas sans brisement de cœur que la séparation se consomma. Prosterné devant la déesse, la face collée sur ses pieds divins, je les arrosai longtemps de mes larmes ; et, d’une voix étouffée plus d’une fois par les sanglots, je lui adressai cette prière :

Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l’affection d’une tendre mère ; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s’écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits. Sur la terre, sur la mer, toujours tu es là pour nous sauver ; pour nous tendre, au milieu des tourmentes de la vie, une main secourable ; pour débrouiller la trame inextricable des destins, calmer les tempêtes de la Fortune, et conjurer la maligne influence des constellations. Vénérée dans le ciel, respectée aux enfers, par