Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/434

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toi le globe tourne, le soleil éclaire, l’univers est régi, l’enfer contenu. À ta voix, les sphères se meuvent, les siècles se succèdent, les immortels se réjouissent, les éléments se coordonnent. Un signe de toi fait souffler les vents, gonfler les nuées, germer les semences, éclore les germes. Ta majesté est redoutable à l’oiseau volant dans les airs, à la bête sauvage errant sur les montagnes, au serpent caché dans le creux de la terre, au monstre marin plongeant dans l’abîme sans fond. Mais quoi ! ni mon génie n’est à la hauteur de tes louanges, ni ma fortune ne suffit à t’offrir de dignes sacrifices. Ma faible voix ne peut exprimer ce que ta majesté m’inspire, et ce que mille bouches, mille voix douées d’une intarissable éloquence ne parviendraient pas à exprimer. Dans ma pauvreté, je ferai du moins ce qui est possible au cœur religieux. Ton image sacrée restera profondément gravée dans mon âme, et toujours présente à ma pensée.

Cette invocation terminée, je me jetai au cou du grand prêtre Mithras, devenu pour moi un second père. Je le couvris de mes baisers, et le suppliai d’excuser mon impuissance à reconnaître son incomparable bonté. Ce ne fut qu’après m’être longuement étendu sur ma gratitude que je me séparai de lui. Je m’empressai alors de regagner en droite ligne le foyer paternel après une si longue absence. Mais je ne m’y arrêtai que peu de jours. Une inspiration de la déesse me fit encore plier bagage et embarquer pour Rome. Un vent favorable me procura une heureuse et très prompte traversée jusqu’à Ostie. Là, je montai en chariot, et roulai rapidement vers la cité sacro-sainte, où j’arrivai la veille des ides de décembre, dans la soirée. De ce moment, mon occupation principale fut d’offrir chaque jour des supplications à la reine Isis. Elle est en grande dévotion à Rome, où on l’invoque sous le nom de déesse champêtre, à cause du site où son temple est élevé. Je devins le plus zélé de ses visiteurs, nouveau venu dans le sanctuaire, vieil initié dans la religion.

Le soleil avait parcouru le cercle du zodiaque, et accompli sa révolution annuelle, quand ma divine protectrice vint de nouveau m’interpeller durant mon sommeil, parlant d’une nouvelle initiation à recevoir, d’épreuves nouvelles à subir. Que signifiait cet avis ? quel en était l’esprit et la portée ? car mon initiation me semblait depuis longtemps complète. J’interrogeais sans fruit mon bon sens. Enfin je soumis le cas aux lumières de nos prêtres. Alors j’appris de quoi me surprendre étrangement ; à savoir, que la consécration que j’avais reçue ne concernait que les mystères de la grande déesse, et qu’il me restait à être éclairé de la lumière du père tout-puissant des cieux, de l’invincible Osiris ; que, bien qu’il y eût connexité entre ces deux puissances divines, et même unité d’essence et de culte, la différence était grande entre les formes d’initiation respectives ; qu’enfin il fallait me vouer aussi au culte du grand dieu ; que c’était là le sens de la communication divine. Cette interprétation me fut bientôt confirmée ; car, la nuit suivante, je vis en songe un des prêtres en robe de lin, portant des thyrses, des feuilles de lierre, et des choses qu’il ne m’est pas permis de dire, et qu’il plaça au-dessus de mes dieux lares. Il vint ensuite occuper ma propre