Aller au contenu

Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NOTICE SUR AULU-GELLE.

Séparateur

On ignore la date précise de la naissance d’Aulu-Gelle[1] ; mais on peut affirmer qu’il vint au monde sous le règne d’Adrien, puisque Titus Castricius et Sulpicius Apollinaris, sous lesquels il étudia dans sa première jeunesse la rhétorique et la grammaire, enseignaient à cette époque. Il appartenait sans doute à une famille noble, puisqu’il parle quelque part de l’époque où il prit la robe prétexte. Il est probable qu’il naquit à Rome. On sait peu de chose sur sa vie ; tout ce qu’on en connaît a été tiré de quelques passages de son livre, où il nous donne sur lui-même de courts renseignements. Après avoir fréquenté les écoles de Rome, il alla, selon la coutume des jeunes nobles, perfectionner ses études à Athènes. Il y fit un assez long séjour, pendant lequel il reçut les leçons du philosophe platonicien Taurus et du philosophe cynique Pérégrinus, et entretint un commerce assidu avec le célèbre rhéteur Hérode Atticus, qui réunissait souvent, dans sa riche maison de campagne de Céphisia, les Romains de distinction venus à Athènes. On ne sait à quelle époque Aulu-Gelle retourna dans sa patrie[2]. Peu de temps après son retour, il reçut une distinction à laquelle il avait droit par sa naissance et ses lumières : il fut appelé par les préteurs à siéger au tribunal devant lequel se jugeaient les causes privées. Un peu plus tard, nous le voyons choisi par les consuls pour juger extraordinairement pendant les calendes. Malgré quelques passages où Aulu-Gelle se donne comme un magistrat très-occupé, il est permis de croire que ses fonctions lui laissaient assez de loisir, et tinrent dans sa vie moins de place qu’il ne dit. À l’entendre parler sans cesse de ses investigations littéraires ou philologiques, de ses courses dans les bibliothèques, dans les musées, dans les boutiques des libraires, de ses longues discussions dans les lieux publics avec les grammairiens et les rhéteurs, on comprend que sa vie fut moins celle d’un homme de loi assidûment livré aux occupations du barreau, que celle d’un amateur d’érudition s’abandonnant sans contrainte à son goût pour les livres et les recherches curieuses.

À Rome comme à Athènes, Aulu-Gelle fut surtout occupé à lire, à compiler, à disserter. Un de ses plus grands plaisirs était de provoquer des discussions savantes dans cette société de grammairiens et d’antiquaires, où brillaient surtout deux professeurs célèbres, le Gaulois Favorinus et l’Africain Cornélius Fronton, maître de Marc-Aurèle. Dans ces réunions, dont le pédantisme frivole nous découvre le profond désœuvrement dans lequel la société romaine était tombée, on se proposait sans cesse des défis sur de petits problèmes d’histoire, ou de philosophie, ou de physique, ou de droit, ou d’archéologie : on argumentait, on citait, on subtilisait sur tout, à propos de tout, et partout. Un de ces érudits rassemblait-il ses amis et ses disciples à sa table ? chaque convive était tenu d’apporter pour écot quelques questions énigmatiques qu’il proposait au dessert. Aulu-Gelle étant un jour gravement indisposé, ses amis viennent le visiter : le médecin qui le soignait a le malheur de se servir d’un mot impropre : ce mot fait jeter les hauts cris aux visiteurs, qui aussitôt, sans pitié pour le malade, engagent une discussion médicale et grammaticale à son chevet. Pendant son séjour en Grèce, Aulu-Gelle, accompagné d’une troupe de savants romains et grecs, fait le trajet d’Égine au Pirée, par une belle nuit. Les passagers, assis sur le pont, se mettent à regarder le ciel. Est-ce pour en admirer la beauté ? non, c’est afin de discuter les étymologies des noms latins des étoiles.

Après chacune de ces conversations, Aulu-Gelle prenait des notes ; il en prenait après ses lectures : ainsi qu’il nous l’apprend lui-même, son recueil des Nuits attiques n’est autre chose qu’un choix de ces notes revu et retouché. Ce livre, qui ne brille ni par le goût, ni par le jugement, ni par le style, n’est cependant pas l’ouvrage d’un homme sans esprit : on y rencontre beaucoup de pensées et de mots d’une finesse ingénieuse et piquante. Mais ce qui le rend précieux pour nous, c’est la variété d’érudition qu’Aulu-Gelle y déploie, ce sont les détails curieux qu’il nous y fournit en abondance sur les langues, les institutions, les mœurs, la vie privée des anciens ; ce sont surtout ces nombreuses citations qu’il emprunte aux auteurs latins de tous les âges précédents, excepté cependant à ceux de l’époque la plus récente ; car il est à remarquer qu’il n’a cité nulle part ni Quintilien, ni Pline le jeune, ni Tacite, ni Lucain.

  1. Quelques-uns veulent qu’il se soit appelé Agellius, et ce nom se trouve en effet dans plusieurs manuscrits : mais cette différence vient peut-être de l’ignorance des copistes, qui ont réuni eu un seul mot l’initiale du prénom et le nom de famille.
  2. Peut-être fit-il à Athènes plusieurs voyages. Ce qui le ferait croire, c’est que lorsqu’il écrivit dans la campagne d’Athènes ses Nuits attiques, il devait être assez avancé en âge, puisque, ainsi qu’il le dit lui-même dans sa préface, ce recueil était destiné à ses enfants, auxquels il devait servir de passe-temps littéraire.