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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/112

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CHAPITRE XXXVII.

Mon appétit étant complètement satisfait, je me tournai tout à fait vers mon voisin, pour entendre plus aisément ses réponses ; et, après une foule de questions qui n’avaient pour but que d’engager la conversation : — Quelle est, lui dis-je, cette femme que je vois sans cesse aller et venir de tous côtés ? — C’est la femme de Trimalchion[1] : on l’appelle Fortunata, et jamais nom ne fut mieux mérité, car elle mesure l’or au boisseau. — Qu’était-elle avant son mariage ? — Sauf votre respect[2], vous n’eussiez pas voulu recevoir de sa main un morceau de pain. Mais je ne sais ni pourquoi ni comment elle est parvenue à cette élévation : Trimalchion ne voit que par ses yeux, à un tel point, que, si elle lui disait qu’il fait nuit à midi, il le croirait. Ce Crésus est si riche, qu’il ne connaît pas toute l’étendue de ses biens ; mais cette bonne ménagère veille à tous les détails de sa fortune : vous la trouvez toujours où vous l’attendiez le moins. Elle est sobre, tempérante, de bon conseil ; mais c’est une langue de vipère, une véritable pie domestique[3]. Quand elle aime, elle aime bien ; mais aussi quand elle hait, c’est de toute son âme[4]. Trimalchion possède de si vastes domaines, qu’ils lasseraient les ailes d’un milan. Il entasse les intérêts des intérêts, et l’on voit plus d’argent dans la loge de son portier, que personne de nos jours n’en possède pour tout patrimoine. Quant à ses esclaves, oh ! oh ! par ma foi, je ne crois pas que la dixième partie d’entre eux connaisse son maître. Mais la crainte qu’il leur inspire est telle, qu’avec une