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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/111

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CHAPITRE XXXVI.

Il dit ; et, au son des instruments, quatre esclaves s’élancent vers la table, et enlèvent, en dansant, la partie supérieure de ce globe. Soudain se découvre à nos yeux un nouveau service : des volailles engraissées[1], une tétine de truie, un lièvre avec des ailes sur le dos, qui figurait Pégase. Nous remarquâmes aussi, dans les angles de ce surtout, quatre satyres qui portaient de petites outres d’où s’écoulait une saumure poivrée[2], dont les flots allaient grossir l’euripe où nageaient des poissons tout accommodés[3]. À cette vue, tous les valets d’applaudir, et nous de les imiter. Ce fut alors avec un rire de satisfaction que nous attaquâmes ces mets exquis. Trimalchion, enchanté comme nous de cette surprise ménagée par le cuisinier : — Coupez ! s’écria-t-il. — Aussitôt s’avance un écuyer tranchant qui se met à découper les viandes, en observant dans tous ses gestes la mesure de l’orchestre[4], avec une telle exactitude, que l’on eût dit un conducteur de chars parcourant l’arène aux sons de l’orgue hydraulique. Cependant Trimalchion disait toujours avec les plus douces inflexions de voix : — Coupez, coupez. — Soupçonnant quelque fine plaisanterie dans ce mot si souvent répété, je n’hésitai pas à demander à mon plus proche voisin le sens de cette énigme. Il avait été souvent témoin de semblables scènes : — Vous voyez bien, me répondit-il, cet esclave chargé de découper ? Coupé est son nom. Ainsi toutes les fois que notre hôte lui dit : Coupez ! du même mot il appelle et il commande.