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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/131

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d’autre. Ou bien, prouvez-moi que vous le trouvez bon, en y faisant honneur. Grâce au ciel, je ne l’achète pas ; car tout ce qui flatte ici votre goût, je le récolte dans une de mes métairies que je n’ai pas encore visitée. On dit qu’elle est située dans les environs de Terracine et de Tarente[1]. À propos, j’ai envie de joindre la Sicile à quelques terres que j’ai de ce côté, afin que, lorsqu’il me prendra fantaisie de passer en Afrique, je puisse y aller sans sortir de mes domaines. Mais vous, Agamemnon, dites-moi quelle est la déclamation que vous avez prononcée aujourd’hui ? Tel que vous me voyez, si je ne plaide pas au barreau, j’ai cependant appris les belles-lettres par principes. Et n’allez pas croire que j’aie perdu le goût de l’étude : au contraire, j’ai trois bibliothèques, une grecque, et deux latines. Faites-moi donc l’amitié de me donner l’analyse de votre déclamation. — Agamemnon avait à peine prononcé ces mots : « Un pauvre et un riche étaient ennemis, » quand Trimalchion, l’interrompant : — Qu’est-ce qu’un pauvre ? lui dit-il. — Excellente plaisanterie ! reprit Agamemnon ; — et il lui débita je ne sais quelle discussion savante ; à quoi Trimalchion répliqua sur-le-champ : — Si c’est un fait réel, ce n’est pas une matière à discuter ; et si ce n’est pas un fait réel, ce n’est rien du tout. — Voyant que nous nous répandions en éloges sur ce raisonnement et d’autres de la même force : — Je vous prie, poursuivit-il, mon cher Agamemnon, vous souvenez-vous des douze travaux d’Hercule ? savez-vous la fable d’Ulysse ? comment le Cyclope lui abattit le pouce avec une baguette ? Que de fois j’ai lu tout cela dans Homère, quand j’étais tout petit ! Croiriez-vous que, moi qui