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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/143

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t-il à rire ? On ne se choisit pas un père. Je vois à ta robe que tu es chevalier romain, et moi je suis le fils d’un roi. Pourquoi donc, diras-tu, as-tu été au service d’autrui ? Parce qu’il m’a plu de me mettre en servitude, et que j’ai mieux aimé être citoyen romain que roi tributaire. Mais je compte maintenant vivre de telle sorte, que je ne serai plus le jouet de personne. Je suis un homme parmi les hommes, et je marche tête levée, je ne dois pas un sou à qui que ce soit. Je n’ai jamais reçu d’assignation ; jamais un créancier ne m’a dit au forum : Rends-moi ce que tu me dois. J’ai acheté des terres ; j’ai des lingots dans mon coffre-fort ; je nourris vingt bouches chaque jour sans compter mon chien. J’ai racheté ma femme, afin qu’un maître n’eût plus le droit de prendre sa gorge pour essuie main : on m’a conféré gratuitement la dignité de sévir, et j’espère n’avoir pas à rougir, après ma mort, de ma conduite en ce monde. Mais toi, tu as de si mauvaises affaires, que tu n’oses pas regarder derrière toi. Tu vois un pou sur ton voisin, et tu ne vois pas un scorpion sur toi. Il n’y a qu’un homme de ta trempe qui puisse nous trouver ridicules.

Voici Agamemnon, ton maître, homme plus âgé que toi, qui cependant se plaît dans notre société : va, tu n’es qu’un bambin ; et si l’on te pressait le bout du nez, il en sortirait encore du lait. Veux-tu te taire, cruche fêlée, cuir mouillé, qui, pour être plus souple, n’en es pas meilleur. Si tu es plus riche que les autres, dîne deux fois, soupe deux fois. Pour moi, j’estime plus ma conscience que tous les trésors du monde. M’a-t-on jamais réclamé deux fois une